La rentrée sociale à l'heure du pass sanitaire et de l'obligation vaccinale
Travail, vie personnelle, état de santé et secret médical : le cocktail explosif !
La loi du 5 août 2021, complétée de ses deux décrets, de son arrêté du 7 août suivant et de sa circulaire ministérielle « Questions-Réponses » du 9 août, mise à jour le 31 août dernier suscitent de nombreuses interrogations.
De quoi parle-t-on ?
• Le pass sanitaire, officiellement dénommé « certificat Covid numérique de l'Union européenne », est un document officiel attestant soit d’un résultat négatif au test de dépistage virologique, soit d’un statut vaccinal complet, soit d’un rétablissement à la suite d’une contamination à la Covid-19. Il peut s’agir d’un format papier ou numérique.
• L’obligation vaccinale est considérée respectée lorsque le salarié est en mesure de prouver un schéma vaccinal complet qui diffère selon les types de vaccins et selon que la personne a déjà été contaminée par le Covid-19 ou non.
• Un certificat médical de contre-indication médicale définitive ou temporaire à la vaccination peut également être présenté.
Où doit-on présenter le pass sanitaire ?
Il s’agit de lieux ou d’évènements à risque de diffusion du virus en raison de la concentration possible de personnes, que ce soit en plein air ou non. La liste est la suivante :
• Lieux d’activités et de loisirs : salles d’auditions, de conférences, de projection, de réunions ;salles de concert et de spectacle ; cinémas ; musées et salles d’exposition temporaire ; festivals ; événements sportifs (manifestations sportives amateurs en plein air) ; établissements sportifs clos et couverts ; établissements de plein air ; conservatoires, lorsqu’ils accueillent des spectateurs, et autres lieux d’enseignement artistique à l’exception des pratiquants professionnels et personnes engagées dans des formations professionnalisantes ; salles de jeux, escape-games, casinos ; parcs zoologiques, parcs d’attractions et cirques ; chapiteaux, tentes et structures ; foires et salons ; séminaires professionnels de plus de 50 personnes, lorsqu’ils ont lieu dans un site extérieur à l’entreprise ; bibliothèques (sauf celles universitaires et spécialisées type Bibliothèque nationale de France) ; manifestations culturelles organisées dans les établissements d’enseignement supérieur ; fêtes foraines comptant plus de 30 stands ou attractions ; navires et bateaux de croisière avec restauration ou hébergement ; tout événement culturel, sportif, ludique ou festif, organisé dans l’espace public ou dans un lieu ouvert au public susceptible de donner lieu à un contrôle de l’accès des personnes ;
• Lieux de convivialité : discothèques, clubs et bars dansants ; bars, cafés et restaurants, à l’exception des cantines, restaurants d’entreprise, ventes à emporter et relais routiers, ainsi que lors des services en chambres et des petits-déjeuners dans les hôtels ;
• Transports publics : transports de longue distance, à savoir les trains à réservation (par exemple, TGV), les vols nationaux ou internationaux ou encore les cars interrégionaux.
• Grands centres commerciaux supérieurs à 20 000 m2, selon une liste définie par le préfet de département, là où la circulation du virus est très active, et en veillant à garantir l’accès aux transports parfois compris dans les centres, ou l’accès aux biens de première nécessité par l’existence de solutions alternatives au sein du bassin de vie.
Quels sont les travailleurs concernés ?
L’obligation de présenter un « pass sanitaire » s’impose à toutes les personnes qui interviennent dans les établissements ou lors d’évènements où il est demandé au public SAUF :
• Dans des espaces non accessibles au public ;
• En dehors des horaires d’ouverture au public ;
• Les personnels de livraison ;
• Les personnels effectuant des interventions urgentes (ex : sauvetage).
Pour autant, les gestes barrière doivent être respectés.
Le pass sanitaire ne concerne donc pas seulement les salariés mais aussi les stagiaires, bénévoles, prestataires, intérimaires et sous-traitants, salariés des groupements d’employeurs, qui interviennent dans ces lieux.
L’obligation vaccinale concerne, quel que soit leur lieu d’activité, tous les professionnels de santé, les personnes travaillant dans les mêmes locaux qu’eux, les étudiants et élèves se formant à ces professions et toutes les personnes, quel que soit leur statut, exerçant leur activité dans les établissements de santé, les établissements médico-sociaux et les établissements sociaux rattachés à un établissement de santé ; les ambulanciers ; les aides à domicile intervenant auprès des personnes touchant l’APA ou la PCH ; les pompiers et autres sauveteurs ; les personnels des services de santé au travail SAUF :
Les personnes chargées de l’exécution d’une tâche ponctuelle, très brève et non récurrente, non intégrées dans le collectif de travail et non en lien avec le public, telles que celles réalisant des livraisons ou des réparations urgentes, mais non telles que des travaux lourds de rénovation de bâtiments, de blanchisserie, de cuisine centrale, de maintenance ou de gestion des déchets.
Pour autant, les gestes barrière doivent être respectés.
Même les mineurs ?
L’obligation de présentation du pass sanitaire sera applicable aux mineurs de plus de 12 ans à compter du 30 septembre 2021. Donc les apprentis, stagiaires et salariés de moins de 18 ans ne sont pas soumis au pass avant cette date.
Précisons que pour les alternants, la suspension du contrat de travail en cas de non-présentation du pass ne doit pas avoir pour conséquence de priver le jeune salarié du bénéfice de la formation dispensée par le centre de formation des apprentis ou de l’organisme de formation. La suspension de leur contrat sera ainsi strictement limitée au temps passé en entreprise.
Quel calendrier ?
• 9 août 2021 : pass pour le public majeur et obligation vaccinale pour le personnel de santé susvisé avec possibilité encore d’y substituer un test virologique négatif de moins de 72 heures jusqu’au 15 septembre
• 30 août 2021 : pass pour les travailleurs susvisés
• 16 septembre 2021 : obligation vaccinale pour le personnel de santé susvisé (sauf contre-indication) avec possibilité de différer la seconde dose jusqu’au 15 octobre
• 30 septembre 2021 : pass pour les travailleurs susvisés mineurs
• 16 octobre 2021 : obligation de présenter un schéma vaccinal complet pour le personnel de santé (sauf contre-indication)
• 15 novembre 2021 : date de fin du dispositif de pass sanitaire prévu par la loi (l’obligation vaccinale demeure en vigueur)
Quelles sanctions pour l’employeur ou l’organisateur d’évènement qui ne contrôle pas le pass sanitaire ?
L’exploitant ou le professionnel qui ne procède pas au contrôle légal reçoit tout d’abord une mise en demeure de se conformer à ses obligations qui fixe un délai maximal de 24 heures ouvrées.
S’il n’obtempère pas, il encourt une fermeture administrative d’au plus 7 jours.
Et si le manquement est constaté à plus de 3 reprises au cours d’une période de 45 jours, il encourt jusqu’à un an d’emprisonnement et 9.000 euros d’amende (ou 45.000 euros pour la personne morale).
Qui contrôle ?
Les exploitants, responsables des lieux et organisateurs d’évènements et les personnes qu’elles ont habilitées à ce faire.
Un registre de ces personnes doit être tenu mentionnant leurs noms et prénoms, la date de leur habilitation et les jours et horaires des contrôles opérés.
Les violences à l’encontre des personnes chargées de contrôler la détention du pass sont pénalement sanctionnées.
Pour autant, l’employeur devra porter une attention particulière à leur situation et aux risques qu’elles encourent, notamment psycho-sociaux en leur apportant un accompagnement adapté et en leur fournissant le matériel nécessaire, étant précisé que l’usage de leur téléphone portable personnel est possible mais ne peut leur être imposé et ne doit pas leur occasionner des frais à leur charge.
Quelles données sont contrôlées ?
Que ce soit sous format papier ou numérique, le contrôle, réalisé par la personne habilitée via l’application gouvernementale « TousAntiCovid Vérif », ne doit pas permettre de connaître la nature des documents présentés.
La personne habilitée qui scanne le QR Code sur le papier ou l’appli ne peut lire que les noms, prénoms et date de naissance de la personne ainsi qu’un résultat positif (en vert sur l’appli) ou négatif (en rouge sur l’appli) de détention d’un justificatif conforme.
En aucun cas le contrôle ne doit s’opérer de manière discriminatoire comme l’a rappelé le Conseil Constitutionnel dans sa décision.
En aucun cas ces personnes ne peuvent requérir de documents officiels d’identité. Seules les forces de l’ordre peuvent procéder aux contrôles d’identité dans les conditions prévues par ailleurs par la loi.
Quelles données sont conservées ?
Aucune en principe dans le cadre du contrôle du pass sanitaire, SAUF si le travailleur souhaite présenter un justificatif de schéma vaccinal complet, auquel cas l’employeur peut conserver le résultat de ce contrôle (mais non le justificatif lui-même sur le QR code) jusqu’à la fin de la crise sanitaire et à lui délivrer un titre spécifique permettant une vérification simplifiée.
Ces résultats de contrôles collectés, c’est-à-dire l’information nominative selon laquelle le pass est valide ou non, sont des données protégées soumises au RGPD dans l’entreprise.
Si l’employeur conserve les justificatifs eux-mêmes et pas seulement les résultats des contrôles, il encourt des sanctions pénales jusqu’à un an d’emprisonnement et 45.000 euros d’amende (et 225.000 euros pour la personne morale).
En revanche, s’agissant de l’obligation vaccinale des personnels de santé, bien évidemment, l’employeur ou l’ARS contrôle le justificatif du statut vaccinal et conserve le résultat de ce contrôle.
A quel moment on contrôle ?
A la prise de poste.
Néanmoins, au moment du recrutement, l’employeur devra loyalement informer le candidat de ses obligations (vaccinales ou de pass sanitaire), du risque de rupture de la collaboration si le salarié signe son contrat en sachant qu’il ne pourra remplir ses obligations et des conséquences sur la poursuite du contrat s’il n’est pas en mesure de les remplir. Bien évidemment, tout ceci sera de préférence écrit.
Quel rôle pour les représentants du personnel ?
Dans les entreprises d’au moins 50 salariés le CSE doit être informé sans délai et par tout moyen des modalités de mise en œuvre du contrôle du pass sanitaire (ou de l’obligation vaccinale) sur les travailleurs.
Ensuite, l’employeur doit recueillir l’avis du CSE, qui est intéressé par l’organisation, la gestion et la marche générale de l’entreprise, au plus tard dans un délai d’un mois.
Le Conseiller du Salarié qui assiste un salarié au cours de son entretien préalable à licenciement dans l’entreprise à laquelle il n’appartient pas est soumis à l’obligation du passe sanitaire le cas échéant, mais non à l’obligation vaccinale.
Quelles conséquences pour le travailleur ?
Tout d’abord, le fait de présenter un pass sanitaire appartenant à autrui ou de le proposer à un tiers, contre rémunération ou non, y compris en ligne, est passible de sanctions pénales.
L’établissement d’un faux certificat de statut vaccinal ou d’un faux certificat de contre-indication à vaccination au Covid-19 sont punis de peine allant jusqu’à 5 ans d’emprisonnement et 75.000 euros d’amendes.
On peut estimer que l’employeur sera bien fondé à rompre immédiatement pour ce motif, période d’essai ou non, le contrat de le salarié qui, informé de ses obligations de titre sanitaire (vaccinal ou pass) lors de son embauche se présente délibérément à son poste sans ceux-ci et en sachant qu’il ne pourra remplir ses obligations.
S’agissant en revanche du salarié déjà présent qui ne présenterait pas de pass sanitaire valide à sa prise de poste :
• Il ne peut prendre son poste ;
• Il peut prendre des congés payés ou de repos pour régulariser sa situation : il n’y a pas d’obligation pour l’employeur de le lui proposer (mais on le recommandera dans le cadre d’obligation de bonne foi dans l’exécution du contrat de travail), ni pour lui de l’accepter ;
• Il peut éventuellement travailler sur un autre poste non soumis au pass (espace ou horaires non ouverts au public ou télétravail par exemple) : il n’y a pas d’obligation de réaffectation pour l’employeur mais la recherche d’une telle solution en fonction des possibilités et besoins de fonctionnement du service caractérisera la bonne foi ou non de l’employeur et, à terme, le bien fondé d’un éventuel licenciement en cas d’échec.
Toute solution de réaffectation et/ou de placement en télétravail sera utilement retracée par écrit et si la réaffectation entraîne une modification quelconque, même temporaire, du contrat de travail (modification de la rémunération, de la qualification, passage en horaires de nuit,…) un avenant devra être co-signé ;
• Si aucune de ces solutions de congés, repos ou réaffectation n’ont fonctionné, alors l’employeur signifie (par oral et par écrit de préférence) la suspension immédiate du contrat de travail au salarié, avec suspension de la rémunération, ce jusqu’à la régularisation de la situation ;
• Au bout du 3ème jour en principe travaillé, l’employeur a l’obligation de convoquer le salarié à un entretien individuel afin d’examiner avec lui les moyens de régulariser sa situation. Il est recommandé de le faire par écrit conférant une date certaine et de retracer par écrit également le déroulement de cet entretien et ses conclusions, notamment pour décrire les éventuelles solutions dégagées en matière de réaffectation. Le salarié pourra se voir proposer la possibilité de se faire assister par un collègue. L’entretien peut se dérouler en présentiel dans un lieu non soumis au pass ou en visioconférence.
Et si aucune solution n’est trouvée, peut-on rompre le contrat de travail ?
• Si c’est un CDD : le contrat prend fin à son échéance prévue (terme précis ou évènement), même suspendu, puisque le Conseil Constitutionnel a censuré le texte initial prévoyant la rupture immédiate ;
• Si c’est une mission d’intérim : la mission est suspendue dans l’entreprise utilisatrice et l’entreprise de travail temporaire peut y affecter un autre salarié, tout en recherchant une nouvelle affectation au salarié sans pass ;
• Si c’est un CDI : le Parlement a finalement rejeté le projet initial d’instaurer une cause de licenciement autonome (« sui generis »). Cependant, la circulaire renvoie au droit commun des motifs de licenciement. On peut en déduire que sauf exception, la voie disciplinaire sera exclue mais que la désorganisation du service pour absence prolongée pourra être envisagée. En tout cas, on doute que la suspension du contrat de travail et donc de la rémunération puissent se prolonger indéfiniment, étant rappeler que les médecins ont été alertés par leurs Ordres contre les demandes de prescriptions d’arrêts de travail frauduleux pour ce motif, mais que certains d’entre eux ne l’excluent pas en raison du « stress » constaté chez le salarié pour ce motif…
Suspension du contrat = suspension du mandat du représentant du personnel ?
NON : le mandat se poursuit même quand le contrat de travail est suspendu. Cependant le mandat ne peut s’exercer en présentiel dans les lieux et horaires soumis au pass sanitaire ou obligation vaccinale.
Dès lors, pour concilier la liberté syndicale et le respect des obligations prévues par la loi, l’employeur peut aménager les modalités d’exercice du dialogue social, notamment par la mise en place d’outils de communication à distance.
L’employeur peut-il octroyer à ses salariés une prime spéciale de vaccination ?
Derrière l’objectif affiché et louable d’incitation à la vaccination, il existe un principe, cher au juge français : celui de l’égalité de traitement. Selon ce principe, les salariés placés dans une même situation à l’égard d’un avantage doivent percevoir le même avantage, sauf pour l’employeur à disposer de motifs objectifs et pertinents. En l’occurrence, les salariés sont placés dans les mêmes conditions de travail, la seule différence est leur vaccination contre la Covid-19. Il n’est pas évident que la vaccination soit considérée pas un critère pertinent pour mieux rémunérer certains salariés que d’autres.
Certains considèrent même que la situation vaccinale d’une personne relève de son « état de santé » el donc que l’on ne peut en tenir compte sans commettre une discrimination (civilement et pénalement sanctionnée).
Que faire si un salarié refuse de travailler avec un salarié non vacciné ?
Lorsque le salarié refuse de se conformer à l’ordre de son employeur ou supérieur hiérarchique de travailler avec un salarié non vacciné, mais non soumis à l’obligation vaccinale légale, il enfreint nécessairement les ordres qui lui ont été donnés dans le cadre du pouvoir de gestion et de direction de l’employeur.
Naturellement l’insubordination est susceptible de sanctions disciplinaires, pouvant aller jusqu’au licenciement. Pour autant, avant l’engagement d’une procédure disciplinaire, il est conseillé à tout employeur confronté à cette situation de passer par la voie du dialogue et de la concertation.
Un salarié peut-il s’absenter pour aller se faire vacciner ? Ces heures d’absences entraînent-elles une diminution de la rémunération ?
Tous les salariés, les stagiaires et les agents publics sont autorisés à s'absenter pour aller se faire vacciner en service de santé au travail, en centre de vaccination ou auprès d'un professionnel de santé sur leurs heures de travail.
Ces heures d'absence n'entraînent aucune diminution de la rémunération. Elles sont payées et considérées comme du temps de travail effectif pour la détermination de la durée des congés payés ainsi que pour les droits légaux ou conventionnels acquis au titre de l'ancienneté du salarié. Elles n'ont pas à être récupérées.
Aucune durée maximale n'est fixée car elle dépend du temps nécessaire au salarié pour se rendre sur le lieu de vaccination où il a pu obtenir un rendez-vous. La durée d'absence devra toutefois être raisonnable au regard du temps de déplacement nécessaire, soit depuis le domicile du salarié, soit depuis son lieu de travail.
Le salarié est invité à se rapprocher de son employeur afin de déterminer la meilleure manière d'organiser cette absence.
Le ministère du travail précise que l’employeur peut demander au salarié pour justifier de son absence, la confirmation du rendez-vous de vaccination en amont ou a posteriori le justificatif de la réalisation de l’injection.
En revanche, le temps nécessaire à la réalisation d’un test PCR et ce, en l’absence de disposition législative sur le sujet, sauf stipulation conventionnelle spécifique ou décision de l’employeur, n’est pas du temps de travail effectif.
Le salarié doit-il présenter un pass sanitaire pour se rendre chez le Médecin du travail ?
La circulaire ministérielle indique clairement que l’obligation de présenter un pass sanitaire pour les personnes accueillies dans des établissement pour des soins programmés n’est pas applicable aux salariés venant réaliser des visites médicales dans les services de santé au travail.
Le respect d’un protocole sanitaire et des gestes barrières lors des visites médicales reste toutefois obligatoire.