Procès V13 (attentats du 13 novembre 2015) : les absents dont on va parler
© photo : afp.com/ANDREJ ISAKOVIC
Depuis le 8 septembre dernier, Me Gérard CHEMLA (avec à ses côtés Me Laura COSTES et Alicia RENARD) intervient au soutien de nombreuses victimes devant la Cour d’assises spécialement composée de magistrats professionnels chargée de juger ceux qui ont participé à la préparation ou à la commission des attentats du 13 novembre 2015.
Ils sont quatorze dans le box des accusés dont trois qui comparaissent libres.
Ils auraient dû ou pu être plus nombreux...
Ceux dont les fantômes hantent le procès :
• Les neuf auteurs des terribles attaques terroristes du 13 novembre 2015 qui sont décédés le soir des faits dans le cadre de leur action terroriste (7) ou lors de l’assaut du RAID à Saint-Denis, le 18 novembre (2).
• Mohamed BELKAID, le soldat de l’Etat Islamique membre de la cellule terroriste responsable des attentats du 13 novembre qui a été abattu par les forces de l’ordre belges, lors de la fusillade de Forest, en Belgique, le 15 mars 2016. Ce soir-là, Salah ABDESLAM a une nouvelle fois pu échapper aux services de police (mais il fût interpellé trois jours plus tard).
• Les trois coordinateurs des attaques de Paris et Saint-Denis du 13 novembre, Ibrahim et Khalid EL BAKRAOUI et Najim LAACHRAOUI, qui se sont fait exploser dans les attentats de Bruxelles du 22 mars 2016 dans le métro et l’aéroport de Zaventem.
• Les cinq accusés présumés morts en Syrie, qui sont jugés par défaut par la Cour d’assises spécialement composée, c’est à dire en leur absence, car il n'y a pas de preuve formelle et officielle de leur décès sur le territoire de l’Etat Islamique (impossibilité de recueillir de l’ADN) :
- Oussama ATAR, belge, vétéran du jihad irakien, et coordinateur des attaques terroristes
- Les deux frères CLAIN, Fabien et Jean-Michel, les voix françaises des communiqués de revendication par l’Etat Islamique
- Ahmad ALKHALD identifié comme étant Omar DARIF, l’artificier syrien venu de l’Etat islamique et resté un mois en Europe (octobre 2015) pour former les terroristes à la préparation des explosifs
- Obeida Aref DIBO, cadre de la cellule des opérations extérieures de l’Etat Islamique chargé du retour en Europe des combattants (clé de voûte du réseau de faussaires et passeurs utilisé par l’organisation terroriste).
• Les chefs de l’Etat Islamique, au premier rang desquels Abu Bakr AL BAGHDADI, calife autoproclamé de l’organisation mortifère, et Abu Mohammed AL ADNANI, porte-parole et ministre des Attentats de l’Etat islamique... Tous deux décédés des suites de l’intervention de la coalition internationale.
Ceux dont l’ombre plane au-dessus du procès :
• Ahmed DAHMANI, logisticien molenbeekois intervenu dans les étapes clés de la préparation des attaques terroristes, en fuite dès le matin du 14 novembre vers la Turquie (actuellement détenu en Turquie, sous mandat d’arrêt français) ; il est accusé et jugé en son absence faute de remise par la Turquie.
• Tyler VILUS, “revenant” français, proche d’Abdelhamid ABAAOUD, interpellé en Turquie au cours de l’été 2015 alors qu’il s’apprêtait à prendre l’avion pour retourner en Europe et y commettre un attentat (condamné en appel à la réclusion criminelle à perpétuité) ; nous pensons qu’il avait toute sa place dans le procès V13.
• Bilal CHATRA, éclaireur envoyé par Abdelhamid ABAAOUD pour cartographier la route des Balkans et faciliter le voyage des commandos terroristes vers l'Europe (condamné à 27 ans de réclusion criminelle dans le cadre du procès du Thalys, il sera rejugé en appel courant 2022). Lui aussi aurait pu être jugé dans le cadre du procès V13.
• Réda HAME, “revenant” français envoyé en Europe par Abdelhamid ABAAOUD au cours de l’été 2015 pour commettre un attentat dans une salle de concert (condamné en appel à 14 ans de réclusion criminelle).
• Walid DHIB, passeur tunisien de l’Etat Islamique qui a contribué au voyage retour en Europe de nombreux combattants de la cellule terroriste dont Abdelhamid ABAAOUD ; il a été interpellé en Turquie et est condamné et détenu en Tunisie.
• Le réseau des logisticiens travaillant pour le compte de l’Etat Islamique implanté en Syrie et en Turquie, qui ont fourni des fausses pièces d’identité syriennes, transporté les commandos terroristes, organisé le transfert de fonds pour permettre aux commandos terroristes de passer à l’action…
• Les fournisseurs des armes, qui n’ont pas pu être clairement identifiés.
Ceux ayant apporté un soutien, qui ont été jugés ou seront jugés par des justices étrangères :
Les juges d’instruction français ont distingué parmi tous les individus ayant contribué aux attentats du 13 novembre 2015 ceux dont l’action a directement conduit aux attentats (actuellement jugés en France) et ceux ayant eu un rôle secondaire de soutien.
Ces soutiens ont constitué un maillon dans la préparation et la commission des attentats du 13 novembre 2015 ou dans la dissimulation de leurs auteurs et complices.
Certains ont déjà été jugés en France (procès dits des logeurs) ou dans d’autres pays (comme l’Autriche), les autres seront jugés prochainement en Belgique à travers le procès dit B-Paris en relation avec les attentats du 13 novembre 2015 et le procès des attentats de Bruxelles (métro Maelbeek et aéroport Zaventem) du 22 mars 2016.
Les investigations ont permis de dessiner les contours d’une cellule terroriste transnationale tentaculaire et très organisée, qui s’est appuyée sur les précédents échecs de l’Etat Islamique (projets et attentats avortés fin 2014 et début 2015 : Verviers, Villejuif, Thalys…) pour envoyer et piloter plusieurs vagues de commandos aguerris à travers l’Europe, notamment dans le flot des réfugiés, dans le but de commettre des attentats simultanés en Europe.
Laura COSTES, Avocat
Alicia RENARD, juriste
Pôle attentats, Cabinet ACG