L’absence d’obligation pour l’employeur d’informer le salarié de sa faculté de demander des précisions sur les motifs du licenciement

Publié le 27 octobre 2022
Me Barneff, avocat en cas de licenciement à Châlons-en-Champagne

Dans un arrêt du 29 juin 2022, la chambre sociale de la Cour de cassation est venue apporter une réponse à une question qui restait jusqu’alors en suspens : le code du travail prévoyant la possibilité pour le salarié licencié de demander des précisions sur les motifs de son licenciement, l’employeur a-t-il l’obligation de l’informer de cette possibilité ?

Jusqu’à cet arrêt de la Cour de cassation, la plupart des employeurs, pour se protéger, prévoyait dans la lettre de licenciement un paragraphe pour informer le salarié de sa possibilité de demander des précisions sur les motifs du licenciement.

Cette précaution n’apparaît plus nécessaire.

Dans cette affaire, une salariée licenciée pour faute grave en février 2018 avait saisi la juridiction prud’homale afin de contester son licenciement.

A l’appui de ses demandes, elle faisait notamment valoir que son employeur ne l’avait pas informée, dans sa lettre de licenciement, de la possibilité qui lui était offerte de demander des précisions sur les motifs de la rupture de son contrat de travail alors que selon elle, il lui incombait de le faire.

Or la Cour de cassation, reprenant les termes des articles L1235-2 et R1232-13 du code du travail, a énoncé qu’aucun grief ne peut être reproché à l’employeur dès lors qu’aucune disposition textuelle ne met à sa charge l’obligation d’informer le salarié de la possibilité qui lui est ouverte de solliciter des précisions sur les motifs du licenciement.

En effet, l’article L1235-2 indique que les motifs énoncés dans la lettre de licenciement peuvent, après notification de celle-ci, être précisés par l’employeur, soit à son initiative, soit à la demande du salarié.

L’article R1232-13 détaille les conditions dans lesquelles les motifs du licenciement peuvent faire l’objet de précisions.

Il ressort ainsi que le salarié peut demander à son employeur de lui préciser les motifs de son licenciement, dans les 15 jours suivant la notification de la lettre de rupture du contrat de travail, soit par lettre recommandée avec avis de réception, soit par remise contre récépissé. L’employeur peut, s’il le souhaite, répondre à cette demande de précisions dans un délai de 15 jours à compter de la réception de celle-ci.

L’employeur peut, dans le même délai de 15 jours suivant la notification du licenciement et selon les mêmes formes, prendre l’initiative de préciser les motifs du licenciement.

La Cour de cassation a ainsi logiquement refusé de mettre à la charge de l’employeur une obligation supplémentaire d’information qui n’est pas prévue par le Code du travail.

Si le salarié peut demander à son employeur de lui préciser les motifs de son licenciement, il n’appartient pas à l’employeur d’informer le salarié de cette faculté.

A noter que les dispositions précitées s’appliquent aux licenciements prononcés depuis le 18 décembre 2017 (soit après la publication du décret du 15 décembre 2017).

Olivier BARNEFF
Avocat associé

Dans la même thématique

La procédure de mise en demeure mise en œuvre par l’employeur qui entend faire valoir la présomption de démission du salarié en cas d’abandon de poste volontaire.

Publié le 04 mars 2024 - Thème(s) : Thème : Droit du salarié, Thème : Droit social des employeurs
Depuis le 23 décembre 2022, l’employeur ne peut désormais plus recourir au licenciement pour faute grave pour licencier un salarié ayant volontairement abandonné son poste. C’est ce qu’à nouvellement instauré le législateur dans une récente Loi du 21 décembre 2022 (Loi n°2022-1598) qui créé, à l’article L. 1237-1-1 du Code du travail, la présomption de démission du salarié en cas d’abandon de poste.

Salarié et infraction au code de la route : qui est responsable ?

Publié le 30 janvier 2024 - Thème(s) : Thème : Droit du salarié
Salarié et infractions au Code de la route : qui est responsable ?

Action de requalification des CDD en CDI : les précisions de la Cour de cassation en 2023

Publié le 29 décembre 2023 - Thème(s) : Thème : Droit du salarié, Thème : Droit social des employeurs, Thème : Rédaction des contrats de travail et avenants
En 2023, la Chambre sociale de la Cour de cassation a eu l’occasion de préciser les règles de droit applicables aux contrats à durée déterminée. A défaut, de respect de ces conditions de fond et de forme, la juridiction prud’homale sera habilitée à prononcer la requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée. 

La dispense de reclassement du salarié inapte strictement encadrée par la loi.

Dans un arrêt rendu le 13 septembre 2023, la chambre sociale de la Cour de cassation a eu à se prononcer sur la régularité d’un licenciement pour inaptitude sans recherche de reclassement et a réaffirmé avec force les conditions strictes auxquelles devait répondre cette procédure.

Preuve de la faute du salarié : le retour du "client mystère" (Cass.soc. 6 septembre 2023)

Publié le 22 novembre 2023 - Thème(s) : Thème : Droit du salarié, Thème : Droit social des employeurs
Dans un arrêt du 6 septembre 2023, la chambre sociale de la Cour de Cassation a jugé que la pratique du "client mystère" pour établir d'éventuelles fautes du salarié est licite mais sous certaines conditions.

Congés payés : à vos compteurs ! Le salarié malade continue d'acquérir des congés payés

Publié le 08 novembre 2023 - Thème(s) : Thème : Droit du salarié
Ce n’est pas un revirement, c’est une révolution ! Par une série de 7 arrêts (Cass.soc. 13 septembre 2023 22-17.340 à 22-17.342 ; 22-17.638 ; 22-10.529, 22-11.106 et n°22-10.529), la Cour de cassation vient d’apporter un changement drastique dans l’état de notre droit national en matière de congés payés du salarié.

Antidater la rupture conventionnelle, une fausse bonne idée

Pour accélérer la procédure de rupture conventionnelle du contrat de travail, l’employeur et le salarié peuvent parfois s’entendre pour antidater la signature de la convention. Cette pratique s’avère cependant risquée.

Un salarié déclaré inapte en cours de procédure ne peut être licencié pour un autre motif

Dans un arrêt rendu le 8 février 2023, la chambre sociale de la Cour de cassation a eu à statuer sur la possibilité de prononcer un licenciement pour faute, ici lourde, à l’encontre d’un salarié déclaré inapte avant son licenciement.

Le seul dépassement de la durée maximale quotidienne de travail cause un préjudice au salarié ouvrant droit à réparation

Publié le 20 septembre 2023 - Thème(s) : Thème : Droit du salarié, Thème : Heures supplémentaires, dépassements des durées légales maximales
Dans un arrêt rendu le 11 mai 2023, la chambre sociale de la Cour de cassation a assoupli sa jurisprudence dans l’intérêt du salarié victime d’un non-respect de la réglementation sur la durée maximale quotidienne de travail.

L’inaptitude du salarié : la recherche de reclassement peut passer par l’aménagement du poste en télétravail

Publié le 07 septembre 2023 - Thème(s) : Thème : Droit du salarié
Dans un arrêt rendu le 29 mars 2023, la chambre sociale de la Cour de cassation est venue préciser l’étendue de l’obligation de reclassement pesant sur l’employeur en cas d’inaptitude du salarié.