Autorisation d'exercice en France des Professionnels de Santé étrangers - Libre circulation dans l'UE - Égalité de traitement.
Dans un arrêt du 2 février 2015 N° 13PA04482, la Cour administrative d'appel de Paris a confirmé sur le fondement de l’article L 4111-2 I bis, la décision de refus d’autorisation d’exercice du CNG à une ressortissante argentine dont le diplôme de médecin argentin a été reconnu équivalent au diplôme espagnol par les autorités espagnoles pour les motifs suivants :
« 4. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte des dispositions du I bis de l'article L. 4111-2 du code de la santé publique que seuls peuvent solliciter la délivrance d'une autorisation d'exercer la profession de médecin les ressortissants d'Etats hors de l'Union européenne et de l'Espace économique européen ayant obtenu leur titre de formation dans l'un de ces Etats membres ou parties ; que si les autorités espagnoles ont homologué, le 7 mars 2007, le diplôme argentin de médecin-chirurgien de Mme A...et lui ont donné les mêmes effets sur leur territoire national que le diplôme universitaire espagnol de licencié en médecine, le titre de formation étranger ainsi reconnu ne saurait être regardé comme un titre de formation obtenu dans un Etat membre ou partie au sens des dispositions du I bis de l'article L. 4111-2 du code de la santé publique ; qu'il s'ensuit que c'est à bon droit que le CNG a estimé que la demande de Mme A...n'entrait pas dans le champ des dispositions du I bis de l'article L. 4111-2 du code de la santé publique ;
5. Considérant, en troisième lieu, que Mme A..., ressortissante argentine, ne saurait utilement se prévaloir des dispositions de la directive 2005/36/CE du 7 septembre 2005 qui, ainsi qu'il résulte de son article 2, ne s'applique qu'aux ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne ; »
Cette décision doit être considérée comme inapplicable à un ressortissant étranger titulaire d’un diplôme hors union européenne reconnu dans un état membre, père d’un enfant à charge qui a la citoyenneté européenne. Un tel candidat relève de la procédure HOCSMAN.
Selon la directive 2005/36 du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles :
Article 2 Champ d'application
1. La présente directive s'applique à tout ressortissant d'un État membre, y compris les membres des professions libérales, voulant exercer une profession réglementée dans un État membre autre que celui où il a acquis ses qualifications professionnelles, soit à titre indépendant, soit à titre salarié.
Cependant, il est admis que cette directive s’applique aux ressortissants de pays tiers membres de la famille d’un ressortissant communautaire qui use de sa liberté de circulation comme à ceux qui bénéficient d’un titre de séjour de longue durée ou aux réfugiés et depuis un arrêt de la CJUE du 8 mars 2011 M.Ruiz Zambrano aff C-34/09, aux parents d’un citoyen de l’UE en bas âge à la condition que l’enfant soit couvert par une assurance maladie appropriée et que le parent qui en assume la charge dispose de ressources suffisantes.
Aux termes du 1er considérant de la DIRECTIVE 2013/55/UE DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL du 20 novembre 2013 modifiant la directive 2005/36/CE relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles et le règlement (UE) n°1024/2012 concernant la coopération administrative par l’intermédiaire du système d’information du marché intérieur («règlement IMI»)
« La directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles (3) a consolidé un système de reconnaissance mutuelle initialement fondé sur quinze directives. Elle prévoit une reconnaissance automatique pour un nombre limité de professions, qui se fonde sur l’harmonisation des exigences minimales de formation (professions sectorielles), un système général de reconnaissance des titres de formation et une reconnaissance automatique de l’expérience professionnelle. La directive 2005/36/CE a également mis en place un nouveau système de libre prestation de services. Il convient de rappeler que les membres de la famille de citoyens de l’Union, qui sont originaires de pays tiers, bénéficient de l’égalité de traitement, conformément à la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres (4). Les ressortissants de pays tiers peuvent également bénéficier de l’égalité de traitement en ce qui concerne la reconnaissance des diplômes, certificats et autres qualifications professionnelles, conformément aux procédures nationales applicables, en vertu d’actes juridiques particuliers de l’Union, tels ceux sur les résidents de longue durée, les réfugiés, les titulaires d’une carte bleue européenne et les chercheurs.
La CJCE a réaffirmé dans son arrêt du 21 janvier 2008 (CJCE 21 janvier 2008 Affaire C-229/07) les conditions d’application de ce principe d’égalité de traitement dont bénéficient les conjoints de ressortissants communautaires, pour l’exercice de la profession de médecin.
Mme Mayeur qui a obtenu un diplôme de médecin au Pérou le 27 mars 2002 et a suivi une spécialisation en chirurgie cardiaque en France, a épousé un ressortissant français et son diplôme péruvien a été homologué par le ministère de l’Éducation et des Sciences espagnol.
Elle a saisi le ministre de la Santé et des Solidarités afin d’obtenir une habilitation à l’exercice de la médecine en France qui lui a été refusée.
Elle soutient que l’article 23 de la directive 2004/38 oblige les États membres à accorder au conjoint d’un ressortissant communautaire les mêmes droits que ceux dont bénéficie ce dernier en matière de reconnaissance mutuelle des diplômes et de liberté d’établissement.
Pour la juridiction de renvoi, la question qui se pose est celle de savoir si, en application des dispositions dudit article 23, un ressortissant d’un État tiers qui est le conjoint d’un ressortissant communautaire est fondé à se prévaloir de l’interprétation donnée par la Cour de l’article 52 du traité CE (devenu, après modification, article 43 CE) dans son arrêt du 14 septembre 2000, Hocsman (C-238/98, Rec. p. I‑6623).
Selon la Cour :
« 15. Il résulte de la jurisprudence que les règles du traité en matière de libre circulation des personnes ainsi que les directives et règlements pris en exécution desdites règles ne peuvent être appliqués à des activités qui ne présentent aucun facteur de rattachement à l’une quelconque des situations envisagées par le droit communautaire et dont tous les éléments se cantonnent à l’intérieur d’un seul État membre (voir, notamment, arrêt du 5 juin 1997, Uecker et Jacquet, C-64/96 et C‑65/96, Rec. p. I-3171, points 16 et 23).
16 Ainsi, à propos de l’article 11 du règlement (CEE) n° 1612/68 du Conseil, du 15 octobre 1968, relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté (JO L 257, p. 2), qui, avant son abrogation par l’article 38, paragraphe 1, de la directive 2004/38, prévoyait en faveur du conjoint d’un ressortissant d’un État membre exerçant sur le territoire d’un État membre une activité salariée ou non salariée le droit d’accéder à toute activité salariée sur ledit territoire, la Cour a jugé que la réglementation communautaire en matière de libre circulation des personnes ne saurait être appliquée à la situation de personnes qui n’ont pas exercé le droit de libre circulation à l’intérieur de la Communauté (arrêt Uecker et Jacquet, précité, points 17 et 23).
17 La question de savoir si tel est le cas dépend de constatations de fait qu’il appartient à la juridiction nationale d’établir (voir, notamment, arrêts du 23 avril 1991, Höfner et Elser, C-41/90, Rec. p. I-1979, point 37, ainsi que du 28 janvier 1992, Steen, C-332/90, Rec. p. I-341, point 9; voir, également, ordonnance du 1er avril 2004, Fröschl, C-184/03, non publiée au Recueil, point 24).
18 Or, il résulte des faits tels qu’ils ont été établis par la juridiction nationale dans sa décision de renvoi que la procédure au principal concerne la situation d’un ressortissant d’un État tiers, marié à un ressortissant français résidant en France, alors que ladite juridiction n’a fourni aucune indication permettant de constater que ce dernier aurait fait un quelconque usage de son droit de libre circulation.
19 Dans ces conditions, un membre de la famille d’un ressortissant communautaire ne peut pas invoquer les règles communautaires relatives à la liberté de circulation des personnes lorsque ce ressortissant communautaire n’a pas exercé le droit de libre circulation à l’intérieur de la Communauté (voir, à propos de l’article 11 du règlement n° 1612/68, arrêt Uecker et Jacquet, précité, points 19 et 24)
En conséquence la Cour dit pour droit :
« L’article 23 de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) n° 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE, ne s’oppose pas à ce qu’un État membre refuse à un ressortissant d’un État tiers, qui est le conjoint d’un ressortissant communautaire n’ayant pas fait usage de son droit de libre circulation, de se prévaloir des règles communautaires relatives à la reconnaissance mutuelle des diplômes et à la liberté d’établissement, et n’oblige pas les autorités compétentes de l’État membre auprès duquel l’autorisation d’exercice d’une profession réglementée est sollicitée de prendre en considération l’ensemble des diplômes, certificats et autres titres, même s’ils ont été obtenus en dehors de l’Union européenne, et dès lors au moins qu’ils ont fait l’objet d’une reconnaissance dans un autre État membre, ainsi que l’expérience pertinente de l’intéressé, en procédant à une comparaison entre, d’une part, les compétences attestées par ces titres et cette expérience, et, d’autre part, les connaissances et les qualifications exigées par la législation nationale. »
Le Tribunal administratif de Paris, auteur de la question préjudicielle sur laquelle a statué la Cour de Justice, en a donc déduit que le conjoint n’ayant pas usé de son droit de libre circulation, la candidate à l’autorisation d’exercice ne pouvait se prévaloir du droit communautaire (TA Paris 26 janvier 2010, n°0609519):
« Il est constant que Mme M, ressortissante péruvienne, a obtenu un diplôme de médecin au Pérou le 27 mars 2002, qu'elle a suivi une spécialisation en chirurgie cardiaque en France à compter du mois de novembre 2002, qu'elle a épousé un ressortissant français le 23 juillet 2005, que son diplôme péruvien a été homologué par le ministère de l'éducation et des sciences espagnol le 16 mars 2006 ; que, cependant, il n'est pas établi ni même allégué, que son conjoint ait fait usage de son droit de libre-circulation ; qu'ainsi, Mme M. n'est pas fondée à soutenir que le ministre de la santé aurait méconnu les dispositions communautaires relatives à la reconnaissance mutuelle des diplômes et à demander pour ce motif l'annulation de la décision attaquées ».
Il résulte de cette jurisprudence a contrario que le ressortissant étranger dont le conjoint a usé de son droit de circulation dans la communauté peut se prévaloir du droit communautaire et notamment de l’article 52 du traité tel qu’interprété par la CJCE dans l’arrêt Hocsman comme des directives sur la reconnaissance mutuelle des diplômes, pour l’exercice de la profession de médecin.
La circonstance que le ressortissant a la nationalité d’un pays tiers n’est pas à elle seule un motif d’inapplication de la directive 2005/36 pas plus que celle que ce ressortissant n’a pas la qualité de membre de la famille bénéficiant des dispositions de la DIRECTIVE 2004/38/CE DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres.
Dans un arrêt du 8 mars 2011 M.Ruiz Zambrano aff C-34/09, la CJUE a dit pour droit :
« L’article 20 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce qu’un Etat membre, d’une part, refuse à un ressortissant d’un Etat tiers, qui assume la charge de ses enfants en bas âge, citoyens de l’Union, le séjour dans l’Etat membre de résidence de ces derniers et dont ils ont la nationalité et, d’autre part, refuse audit ressortissant d’un Etat tiers un permis de travail, dans la mesure où de telles décisions priveraient lesdits enfants de la jouissance effective de l’essentiel des droits attachés au statut de citoyen de l’Union. »
Le Conseil d’Etat dans une ordonnance de référé du 9 décembre 2014 N° 386029 a donc estimé que les dispositions de l’article 20 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et de l’article 7 de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, telles qu’interprétées par la CJUE (CJCE 17 sept. 2002, Baumbast c/ Secretary of State for the Home Department ; CJCE 19 oct. 2004, Kunqian Catherine Zhu, Man Lavette Chen c/ Secretary of State for the Home Department ; CJUE 8 mars 2011, Ruiz Zambrano c/ Office national de l'emploi ; CJUE 10 oct. 2013, Adzo Domenyo Alokpa, Jarel Moudoulou, Eja Moudoulou c/Ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration) confèrent au ressortissant mineur d’un État membre, en sa qualité de citoyen de l’Union, ainsi que par voie de conséquence, au ressortissant d’un État tiers, parent de ce mineur et qui en assume la charge, un droit de séjour dans l’État membre d’accueil.
3. Considérant qu’aux termes de l’article 20 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : « 1.Il est institué une citoyenneté de l'Union. Est citoyen de l'Union toute personne ayant la nationalité d'un État membre. La citoyenneté de l'Union s'ajoute à la citoyenneté nationale et ne la remplace pas. 2. Les citoyens de l'Union jouissent des droits et sont soumis aux devoirs prévus par les traités. Ils ont, entre autres: a) le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres; […] Ces droits s'exercent dans les conditions et limites définies par les traités et par les mesures adoptées en application de ceux-ci. » ; qu’aux termes de l’article 7 de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, intitulé «Droit de séjour de plus de trois mois» : « 1. Tout citoyen de l’Union a le droit de séjourner sur le territoire d’un autre État membre pour une durée de plus de trois mois: […] b) s’il dispose, pour lui et pour les membres de sa famille, de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d’assistance sociale de l’État membre d’accueil au cours de son séjour, et d’une assurance maladie complète dans l’État membre d’accueil […] 2. Le droit de séjour prévu au paragraphe 1 s’étend aux membres de la famille n’ayant pas la nationalité d’un État membre lorsqu’ils accompagnent ou rejoignent dans l’État membre d’accueil le citoyen de l’Union, pour autant que ce dernier satisfasse aux conditions énoncées au paragraphe 1, points a), b) ou c) » ; que ces dispositions combinées, telles qu’interprétées par la Cour de justice de l’Union européenne, notamment dans les arrêts visés ci-dessus, confèrent au ressortissant mineur d’un État membre, en sa qualité de citoyen de l’Union, ainsi que, par voie de conséquence, au ressortissant d’un État tiers, parent de ce mineur et qui en assume la charge, un droit de séjour dans l’État membre d’accueil à la double condition que cet enfant soit couvert par une assurance maladie appropriée et que le parent qui en assume la charge dispose de ressources suffisantes ; que l’État membre d’accueil, qui doit assurer aux citoyens de l’Union la jouissance effective des droits que leur confère ce statut, ne peut refuser à l’enfant mineur, citoyen de l’Union, et à son parent, le droit de séjourner sur son territoire que si l’une au moins de ces deux conditions, dont le respect permet d’éviter que les intéressés ne deviennent une charge déraisonnable pour ses finances publiques, n’est pas remplie ; que, dans pareille hypothèse, l’éloignement forcé du ressortissant de l’État tiers et de son enfant mineur ne pourrait, le cas échéant, être ordonné qu’à destination de l’État membre dont ce dernier possède la nationalité ou de tout État membre dans lequel ils seraient légalement admissibles ; »
Nécessairement, le parent d’un citoyen de l’UE en bas âge bénéficie du droit au séjour dans l’UE et par voie de conséquence du droit d’y exercer une activité lucrative à titre salarié ou non salarié et de circuler dans l’Union Européenne.
Il en résulte que ce parent peut se prévaloir tant de l’article 52 du traité (arrêt Hocsman) que de la directive 2005/36 sur la reconnaissance mutuelle des qualifications pour l’obtention d’une autorisation d’exercice de la médecine en France sur le fondement de l’article L 4111-2 II du code de la santé publique.
Ce même candidat à l’autorisation d’exercice s’il a validé une spécialité médicale dans l’UE conforme à la directive précitée 2005/36 devrait même pouvoir s’inscrire directement à l’Ordre.
Tant le CNG que les instances ordinales s’y refusent au motif que le diplôme de base n’est pas un diplôme européen.
La juridiction administrative qui a été saisie de la question, va être amenée à se positionner rapidement.