Propriétaires : comment maintenir en exploitation des terres sans être soumis au statut du fermage ?
Le statut du fermage, destiné à protéger le preneur exploitant d’un fonds rural, est d’ordre public, de sorte que, quelle que soit la convention conclue, elle est soumise au statut dans la mesure où il s’agit d’une mise à disposition de biens agricoles en vue de l’exploiter et à titre onéreux. Cette soumission au statut entraine pour le propriétaire des contraintes très significatives que certains voient comme une dépossession partielle de leur droit de propriété : bail de 9 ans, renouvellement automatique, congé difficile à mettre en œuvre pur un non exploitant, fixation du prix du fermage par l’autorité administrative, possibilité de céder le bail à un descendant, droit de préemption du preneur en place.
Pour autant certaines conventions sont dérogatoires et permettent, souvent pour une durée limitée, de ne pas y être soumis.
I. Les baux annuels :
Il s’agit de baux qui sont conclus en vue de l’installation d’un descendant nommément désigné.
Ces baux sont renouvelables automatiquement chaque année pendant une durée maximum de 6 ans, le preneur pouvant y mettre fin chaque année.
Si le bailleur ne respecte pas son obligation d’installer, il se crée, à l’expiration, un bail rural d’une durée de 9 ans.
II. Le commodat ou prêt à usage :
Il s’agit d’une mise à disposition de terres à titre gratuit.
Pour éviter d’être soumis au statut des fermages il est impératif que cette mise à disposition ne comporte aucune contrepartie onéreuse, qu’il s’agisse d’un paiement ou d’un avantage en nature.
Ainsi, l’occupant qui, en contrepartie de la jouissance du fonds livre une partie des récoltes pour le compte du propriétaire est fondé à se prétendre titulaire d’un bail rural.
En revanche le simple entretien des parcelles ne saurait être considéré comme la contrepartie onéreuse de leur mise à disposition.
De même la valorisation patrimoniale des terres par l’exploitant qui a perçu les droits à paiement unique concédés par le propriétaire et la conservation desdits droits n’est pas de nature à constituer la partie onéreuse de la mise à disposition de terre.
III. Mettre à disposition d’une société :
La mise à disposition d’une société par un propriétaire exploitant au sein de la société ne soumet pas celle-ci au statut du fermage.
Cependant, il faut veiller à mettre fin à la mise à disposition lorsque l’exploitant propriétaire cesse de bénéficier de ce statut d’associé exploitant.
A défaut la société est réputée bénéficier d’un bail.
IV. L’usufruit d’un bien agricole :
Le propriétaire d’un bien agricole peut constituer un usufruit conventionnel qui permettra à l’usufruitier d’exploiter.
Par nature cette opération n’est pas soumise au statut du fermage ni aux règles en matière d’usufruit.
Toutefois, il faut veiller à ce que l’opération ne puisse être requalifiée en fraude dans la mesure où il serait établi que cet usufruit temporaire a été mis en place dans le seul but d’éviter l’application du statut du fermage et s’apparente dans ses modalités à un contrat de bail.
V. Contrat d’entreprise de culture :
C’est le contrat par lequel un entrepreneur de travaux agricoles s’oblige à exécuter certains travaux à une époque déterminée moyennant une rémunération
Ce contrat de lui permet pas de prétendre alors même qu’il a exploité les parcelles au statut du fermage.
Cependant il doit y être précisé très clairement la nature des travaux effectués, l’époque, leur durée, leur prix et spécifier que la conduite de l’exploitation est du ressort du seul propriétaire.
VI. Mandat de gestion d’un fonds agricole :
La gestion d’un fonds agricole peut être confiée à un mandataire salarié.
Ce statut exclut celui du fermage peut importe qu’il perçoive une rémunération en nature par la remise d’une partie de la récolte.
VII. Convention d’occupation précaire :
C’est une convention conclue avec l’intention de conférer sur les biens mis à disposition une jouissance provisoire, le propriétaire pouvant y mettre fin à tout moment.
Sa durée peut se prolonger pendant plusieurs années.
C’est possible d’utiliser une telle convention dérogatoire pour des biens successoraux dans l’attente que le tribunal tranche sur le partage.
Également, lorsqu’on accorde un délai de grâce au preneur alors que son bail est expiré ou résilié.
De même lorsque la destination des biens n’est pas principalement agricole où lorsque sa destination doit être changée (par exemple dans l’attente d’un programme d’urbanisation).
Il existe également quelques autres convention spécifiques et dérogatoires eu égard à la personnalité du propriétaire (collectivité, safer…).
Attention, pour que de telles conventions puissent être considérées dérogatoires au statut il faut veiller de façon extrêmement précise à leur rédaction.