Archive 2009
Article paru dans l’Union, le 3 décembre 2009
Août 2009, sur sa page Facebook Éric Quénard, conseiller général et premier adjoint du maire d'Adeline Hazan, s'interroge sur la « situation monopolistique de certains journaux ». « Ami » facebookien d'Éric Quénard, Ali Aissaoui, alors adjoint en charge de la démocratie locale, y va de son commentaire. À la suite de plusieurs articles parus dans l'union sur sa qualité de médecin et d'une manifestation anti-israélienne (*), l'homme se dit « victime des agissements de cette presse de caniveau »... Notre journal a donc intenté une action en « injure publique » à l'encontre de l'adjoint au maire aujourd'hui privé de sa délégation.
Le tribunal correctionnel de Reims devait donc, mardi, répondre à deux questions, résume l'avocat de l'union Me Chemla : « La page Facebook d'Éric Quénard était-elle une page publique ? ». Et « le terme de « presse de caniveau » est-il injurieux ? ». À la barre du tribunal, Ali Aissaoui explique : « Quand j'ai écrit ce commentaire, je l'ai fait de ma page personnelle sur Facebook, qui n'est accessible que par les amis de mes amis. Quant aux propos « presse de caniveau », il n'était pas question d'injurier l'union maisc'était une façon de catégoriser la presse. J'avais l'impression de n'avoir pas bénéficié d'un travail digne d'une presse de qualité ».
La présidente et ses assesseurs ne semblent pas être adeptes de Facebook. Ni « amis », ni « fans ». Ali Aissaoui explique donc « si je ne vous accepte pas comme ami, vous ne pouvez pas accéder à ma page ». Me Chemla produit un constat d'huissier qui établi qu'en
août 2009, la page Facebook d'Éric Quénard était «ouverte » à tous. « Soit trois millions de personnes qui pouvaient potentiellement accéder au commentaire d'Ali Aissaoui ! » Mais le conseiller municipal rétorque : « Moi, j'ai écrit de ma page perso - ouverte uniquement à mes amis - sur le mur d'Éric Quénard. » Un assesseur interroge : « C'est quoi un mur ? ». C'est bien toute la question de l'ouverture de ces lieux d'échanges de messages numériques et de leur publicité qui est au cœur de cette affaire. Éric Quénard avait, à l'époque, 2.300 « amis » sur Facebook. Qui eux-mêmes en avaient des centaines, ou des milliers, qui eux-mêmes...
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Tabloïds anglais
Armé de son ordinateur portable, Me Chemla tente de faire comprendre en quelques clics le « réseau social » Facebook. Il accède immédiatement à la page du président de la République Nicolas Sarkozy. Et en un clic à la liste des 1.441 « amis facebookiens » d'Adeline Hazan. L'avocat explique que quand Ali Aissaoui a commenté la page d'Éric Quénard, tous les amis de ces derniers ont eu accès à ce commentaire. Quant au terme de « presse de caniveau », il est « par nature injurieux. Il insinue que l'on ramasse ses informations dans le caniveau, par définition. Cela qualifie les tabloïds anglais qui publient des photos volées d'enfants en détresse, de personnes nues, ou de situations anormales. C'est évidemment injurieux. On peut comprendre que M. Aissaoui ait été énervé dans son conflit l'opposant à l'union, mais on ne peut l'excuser d'avoir tenu des propos injurieux ».
Me Benkoussa, pour la défense du conseiller municipal, contre-attaque en parlant « liberté d'expression ». Pour lui, Ali Aissaoui a répondu à un « ami », « de façon confidentielle ». À partir du moment où c'est devenu public du fait d'un autre - Éric Quénard pour ne pas le nommer - « cela ne regarde plus mon client. Juridiquement, c'est M. Quénard qui s'est rendu complice par fourniture de moyens. Comment Ali Aissaoui aurait-il su que la page du premier adjoint au maire était ouverte au public ? ». Il estime aussi que son client « a le droit de penser que l'union est une presse qui ressemble plus aux tabloïds anglais qu'au Monde. Il a le droit de le penser et ce n'est ni outrageant, ni méprisant ».
Le tribunal a mis son jugement en délibéré au 15 décembre prochain.
P.B.