Les frères CLAIN : rappeurs amateurs, prédicateurs des banlieues toulousaines puis propagandistes de l’État Islamique
(Sipa/Capture d'écran Complément d'enquête)
Fabien et Jean-Michel CLAIN, présumés morts, sont en ce moment-même jugés en leur absence par la Cour d’assises, au procès des attentats du 13 novembre dit « V13 ».
De rappeurs catholiques à prédicateurs islamistes
Fabien et Jean-Michel sont nés à Toulouse, respectivement en 1978 et en 1980, alors que la famille CLAIN venait tout juste d'arriver de l’île de la Réunion.
Après une courte période de vie commune à Toulouse, les parents se séparent et Marie-Rosanne, la mère, s'installent à Alençon, dans l’Orne, avec ses trois enfants, Anne-Diana, Fabien et Jean-Michel CLAIN.
Marie-Rosanne donnera ensuite naissance à un quatrième enfant, Amélie GRONDIN.
La fratrie CLAIN grandit dans la foi catholique. Les frères CLAIN se passionnent très tôt pour la musique et s’essayent au rap. La famille se convertit à la fin des années 90 sous l’influence déterminante de Mohamed AMRI, qui épousera par la suite Anne-Diana CLAIN. C’est Fabien, l’ainé des frères CLAIN, qui franchit le pas en premier et entraine toute sa famille, ses deux sœurs, son frère et sa mère dans son sillon : il fait office de référent religieux familial.
La famille CLAIN s’installe en région toulousaine, estimant ce lieu plus propice pour y vivre sa nouvelle foi.
Ils sont repérés par la DGSI dès le début des années 2000 en raison de leur prosélytisme religieux. Ils s’adonnent à la vente sur les marchés de littérature islamique salafiste, produits religieux et supports de chants religieux rigoristes voire même mortifères, et exposent les thèses salafistes et jihadistes aux jeunes des quartiers toulousains sous couvert d’apprentissage de l’arabe et de cours de religion.
Fabien CLAIN se montre particulièrement actif dans les banlieues toulousaines, où il a notamment fréquenté les frères MERAH, et se positionne comme guide spirituel.
Les frères CLAIN participent à divers forums islamistes radicaux francophones (jihad 2.0), et sont aussi proches de diverses associations extrémistes comme SANABIL, association d’aide aux détenus musulmans particulièrement connue des milieux jihadistes, qui a fini par être dissoute en 2016.
Fabien CLAIN côtoie les milieux militants islamistes de toute la France, et même d'Europe : il s’établit un temps en Belgique, se rend à plusieurs reprises en Angleterre, puis rejoint son frère Jean-Michel en Egypte au milieu des années 2000.
La famille CLAIN fréquentera aussi de près Olivier COREL, surnommé l’émir Blanc qui, en raison de son appartenance aux Frères Musulmans, a fui le régime syrien et s’est réfugié dans la commune d’Artigat, en Ariège, où il a fondé une sorte de communauté religieuse pour dispenser des enseignements religieux radicaux.
Fabien CLAIN est considéré comme l’un des principaux membres de la filière jihadiste d’acheminement de combattants de la région toulousaine vers l’Irak, dite filière d’Artigat, faits pour lesquels Fabien CLAIN a été condamné en 2009 à cinq ans d’emprisonnement, peine confirmée en appel.
Ce passage en détention permet à Fabien CLAIN d’étendre son influence au milieu carcéral, et à Jean-Michel CLAIN de fédérer autour de lui des candidats au jihad.
La reconstitution du clan CLAIN en Syrie et l’action propagandiste majeure des frères CLAIN au service de l’État Islamique
Les frères CLAIN finissent par rejoindre le territoire de l’État Islamique, d’abord Jean-Michel en février 2014 puis, Fabien un an plus tard, en février 2015.
Ils y deviennent les voix francophones de la propagande de l’organisation terroriste, auteurs de nombreux anasheeds et discours menaçants la France ou glorifiant les actions terroristes et leurs auteurs.
Ces anasheeds sont tout à fait déconcertants par leur proximité avec le rap qu’ils affectionnaient avant leur adhésion à l’État Islamique.
Ils sont les auteurs de la revendication en langue française des attentats du 13 novembre.
Au total, ce sont trois générations et plus d’une vingtaine de membres de la famille CLAIN (peut-être même une trentaine) qui ont rejoint les rangs de l’État islamique : la mère Marie-Rosanne, trois de ses quatre enfants, Fabien, Jean-Michel et Amélie, les deux filles d’Anne-Diana, et tous leurs conjoints et enfants (dont les jihadistes tristement connus Mohamed MEGHERBI et Kévin GONOT).
Malgré les surveillances dont ils faisaient l’objet, tous sont parvenus à franchir la frontière turco-syrienne, à l’exception d’Anne-Diana CLAIN et des siens (son conjoint Mohamed AMRI et quatre de leurs enfants), interpellés le 1er juillet 2016 par les autorités turques après une nouvelle tentative de franchissement de la frontière.
Fabien CLAIN est parti en Syrie en compagnie d’autres figures françaises du jihadisme telles que Domenico GIOBERTI, Adrien GUIHAL, Macrème ABROUGUI, Thomas MAYET...
Le clan CLAIN s’est ainsi totalement reconstitué au sein de l’État Islamique... Où il a même pu retrouver certains disciples comme Sabri ESSID dont le père a épousé la mère de Mohamed MERAH.
Au procès des attentats du 13 novembre 2015, dans lequel Me Gérard CHEMLA (avec à ses côtés Laura Costes et Alicia Renard) intervient au soutien de plus d’une centaine de parties civiles, deux proches des frères CLAIN seront entendus comme témoins : Anne-Diana, qui n’a jamais pu rejoindre l’État Islamique malgré plusieurs tentatives, et qui a reconnu la voix de ses deux frères sur les audios de revendication, et sa fille Jennyfer, qui a vécu à leur côté en Egypte, puis sur le territoire de l’État Islamique.
Laura Costes, Avocat
Alicia Renard, juriste
Pôle attentats, Cabinet ACG