Rappel d’un truisme juridique : un contrat signé entre deux personnes privées est en principe un contrat de droit privé
Le Tribunal des Conflits a récemment rappelé ce qui devrait constituer pour tout juriste une évidence : « Un contrat conclu entre deux personnes privées revêt, en principe, un caractère de contrat de droit privé. » (TC, 5 juillet 2021, n°4214)
On sait qu’un contrat est administratif soit parce qu’un texte l’a expressément prévu (par exemple, la plupart des contrats de la commande publique en application de l’article L.6 du code de la commande publique), soit parce qu’il remplit certains critères qualifiés par une partie de la doctrine de « critère organique » et de « critère matériel ».
Le critère dit « organique » est a priori le plus simple puisqu’il impose qu’une personne publique soit partie au contrat. C’est une condition toutefois insuffisante puisqu’il faudra également que le critère matériel soit satisfait, même s’il existe une « présomption d’administrativité » du contrat conclu entre deux personnes publiques ( TC 21 mars 1983, Union des Assurances de Paris, n° 02256).
Il était question en l’espèce d’un acte de vente, conclu entre une société privée et un particulier, qui comporte une clause « anti-spéculative » interdisant à l’acquéreur de louer le bien durant une certaine période.
En cas de violation de cette stipulation, une clause pénale prévoit le versement d’une pénalité au profit d’une personne publique. Cette clause est justifiée par le versement de subventions par cette personne publique au promoteur, ce qui a permis la vente du bien à un prix moins élevé qu’il ne l’aurait été sans subvention.
Le Tribunal des Conflits relève que la personne publique n’est pas partie au contrat et que le fait qu’une clause lui accorde le bénéfice d’une pénalité « ne modifie pas la nature du contrat »
Autrement dit, un contrat conclu entre des personnes privées est en principe un contrat de droit privé même s’il comporte une clause qui bénéficie à une personne publique.
L’intérêt pratique de savoir si un contrat est administratif ou de droit privé est évident pour le juriste ; il s’agit principalement :
• D’identifier la juridiction compétente pour se prononcer sur le litige lié à l’exécution du contrat (en principe, juge judiciaire pour un contrat privé et juge administratif pour un contrat administratif),
• D’identifier le régime juridique applicable au contrat : pour savoir si par exemple la clause est légale, faut-il la confronter aux règles de droit privé ou aux règles de droit administratif ?
En l’espèce, le litige relèvera donc de la compétence du juge judiciaire qui, pour se prononcer sur le bien-fondé de la contestation, devra appliquer les règles de droit privé.