Sid-Ahmed GHLAM et l’opportunisme : la désignation d’un second homme et l’identification a posteriori de Samy AMIMOUR
Au fil de ses interrogatoires par le magistrat instructeur, Sid-Ahmed Ghlam a évoqué un mystérieux complice, un certain Abou Hamza, qui aurait été envoyé par ses commanditaires pour l’aider dans son opération terroriste.
Il a maintenu cet axe de défense les 22 et 23 octobre derniers, lors de son très long interrogatoire.
Selon la Défense, Sid-Ahmed Ghlam ne serait pas responsable de la mort d’Aurélie Chatelain, et n’aurait pas eu l’intention de commettre un attentat à l’Eglise de Villejuif, il aurait simplement voulu “faire peur”.
Un complice qu’il appelle Abou Hamza serait arrivé le matin du 19 avril 2015 en scooter sur le parking où ils s’étaient donnés rendez-vous et où était stationné le véhicule d’Aurélie Chatelain, qui patientait dans l’attente de sa formation de pilates.
Abou Hamza aurait voulu récupérer une voiture et il aurait tué Aurélie Chatelain à cette occasion.
Cette thèse va à l’encontre des éléments objectifs du dossier qui ont été présentés à la Cour d’Assises Spéciale depuis le début de ce procès :
• Seul l’ADN de Sid-Ahmed Ghlam a été retrouvé dans la voiture de la victime et sur l’arme qui a été utilisée pour la tuer ;
• L’arme qui a été utilisée pour tuer Aurélie Chatelain est celle avec laquelle Sid-Ahmed Ghlam s’est blessé ;
• Alors que Sid-Ahmed Ghlam a récupéré et stocké quatre kalachnikovs dans son appartement, il ne se munit que d’une seule kalachnikov le jour des faits, arme retrouvée chargée dans son véhicule, ne laissant pas de place à un complice ;
• Alors que Sid-Ahmed Ghlam a répertorié dans un classeur l’ensemble des préparatifs et le détail de l’attentat (ou plutôt des attentats) qu’il s’apprêtait à commettre, il n’a jamais fait référence à un coauteur ou complice direct ;
• Sid-Ahmed Ghlam n’a désigné l’identité de son mystérieux complice qu’il n’appelait jusque-là qu’Abou Hamza qu’à la suite des attentats du 13 novembre : il l’a identifié comme étant Samy Amimour, l’un des terroristes du Bataclan.
Il a donc désigné un mort.
• Initialement, avant son identification, Sid-Ahmed Ghlam n’a donné qu’une vague description de celui qu’il appelait Abou Hamza, se contentant d’indiquer qu’il était blanc de peau et que ce n’était pas un français converti.
Alors que celui-ci était quasiment imberbe et avait la particularité d’avoir le crâne rasé, Sid-Ahmed Ghlam n’avait pas mentionné ces caractéristiques, qui sont pourtant les premières choses qui peuvent être remarquées chez Samy Amimour, qui n’a jamais changé d’aspect physique, que ce soit en France ou sur zone syrienne.
Lors de l’audience, Me Chemla, a prié Sid-Ahmed Ghlam de décrire un de ses co-accusés, dont le crâne est rasé : il s’est immédiatement empressé de dire qu’il était “chauve”.
Il n’en fallait pas moins pour confirmer l’évidence que Samy Amimour n’a pas participé au projet terroriste de Sid-Ahmed Ghlam ;
• Lors d’une perquisition de la cellule de Sid-Ahmed Ghlam, il a été retrouvé un morceau de papier supportant des inscriptions relatives à la dénonciation de Samy Amimour laissant peu de doute quant au caractère purement opportuniste de l’identification de Samy Amimour ;
Sur ce document, Sid-Ahmed Ghlam a repris les noms de plusieurs auteurs des attentats du 13 novembre, ainsi que certaines de leur caractéristique, dont Samy Amimour ainsi désigné :
“Samy Ami --> 1987 / Drancy / 2012-2013”
“Français 28 ans Bataclan
Sami Amymour 1987 Paris Drancy Syrie-France RATP
2012 --> Yémen annulé 2013 --> Syrie Mars 2014 fils nom
Prison professionnel”
Sachant que Samy Amimour est né en 1987, qu’il résidait sur la commune de Drancy, qu’il a travaillé à la RATP, qu’il a été mis en examen en 2012 dans le cadre d’une autre affaire (projet avorté de départ au Yémen) et qu’il est parti rejoindre les rangs de l’Etat islamique en 2013…
Le document comportait en outre les mentions manuscrites : “Avantage”, “inconvénients” et “questions qu’ils vont se poser”.
• Samy Amimour n’a jamais eu pour kunya Abou Hamza : son nom de combattant était Abu Qital Al Faransi ;
• Aucun élément n’indique que Samy Amimour ait pu regagner la France à cette période. Samy Amimour était en Syrie depuis 2013, et il n’a quitté le territoire de l’Etat Islamique et rejoint l’Europe qu’en septembre 2015, pour participer aux attentats du 13 novembre. Il est d’ailleurs localisé en septembre 2015 en Hongrie, sur le chemin du retour.
Il est inenvisageable que Samy Amimour ait pu être de retour en France au mois d'avril 2015, pour repartir ensuite vers la zone irako-syrienne et revenir en septembre ;
• A début de l’année 2015, il était difficile pour les “revenants” sans pièce d’identité, ou faisant l’objet de recherches policières/judiciaires de rejoindre l’Europe : la route des Balkans n'a été pleinement ouverte qu’à partir de l’été 2015. Or, Samy Amimour faisait l’objet d’un mandat d’arrêt.
Abdelhamid Abaaoud n’est ainsi pas parvenu, malgré ses efforts, à entrer en Europe en janvier 2015, pour rejoindre la cellule terroriste de Verviers démantelée le 15 janvier (il a été interpellé en Grèce). C’est à partir de ce moment-là que, pour faciliter le retour des revenants, Abdelhamid Abaaoud a chargé plusieurs de ses contacts d’une mission d’éclaireur : ils devaient repérer les voies, les points de contrôle, les centres de réfugiés accessibles, et ainsi faciliter le retour des “revenants”... L’ouverture de la Route des Balkans à partir de l’été 2015 a facilité le retour des “revenants” dissimulés dans le flux migratoire.
• Samy Amimour avait été très gravement blessé à la jambe en juin 2014, et il est ainsi peu probable qu’il ait pu revenir seul et utiliser un scooter pour se déplacer ;
Les agents de la DGSI qui ont déposé devant la Cour d’Assises Spéciale de Paris se sont montrés formels : Samy Amimour se trouvait sur le territoire de l‘Etat islamique à cette époque.
De plus, les enquêteurs ont insisté sur le fait qu’aucun élément n’indiquait la présence d’un autre homme qui pourrait être impliqué dans le meurtre d’Aurélie Chatelain.
Me Chemla, avocat de la Fenvac, s’attache depuis le début du procès à prouver l’incohérence de la thèse de la Défense et faire reconnaître la responsabilité de Sid-Ahmed Ghlam.