Agressions sexuelles des joggeuses de Châlons : l’accusé pourrait être blanchi dans ses deux affaires
Un des deux dossiers dans lesquels Patrick Leveque est mis en cause est passé devant la Cour d’appel ce mardi 30 avril. Le second devrait suivre. Il continue de nier l’intention sexuelle.
« J’ai mis longtemps à prononcer ce mot que je trouve violent, le viol ». Du haut de son mètre 50, la frêle plaignante retrace difficilement au micro, qu’elle atteint légèrement sur la pointe des pieds, son histoire. En face, Patrick Leveque, bedonnant, presque trois fois son poids, deux têtes de plus et d’une quinzaine d’années son aîné. Le rapport de force physique est vite établi.
Si par instinct de survie, ce 30 mars 2021, elle a pu s’extirper de l’imposante carrure du retraité, ce dernier parvient néanmoins à la pénétrer de ses doigts. Considérée dans un premier temps comme un viol, cette affaire est de celles que l’on décrit comme « correctionnalisées » (lire ci-contre). Jugée en première instance au tribunal de Châlons-en-Champagne le 17 janvier 2024, cette dernière a de nouveau été étudiée par la Cour d’appel de Reims ce mardi 30 avril. Le délibéré de cette affaire ne sera connu que le 22 mai, à 14 heures, le temps de pouvoir statuer sur tous les éléments à prendre en compte. Dans l’attente, Patrick Leveque poursuit sa détention.
Comme lui, le parquet a fait appel de la décision initiale, deux ans de prison dont un, assorti d’un sursis. Le premier réclame moins, le ministère public plus. Mis en cause et condamné dans un second dossier, absolument similaire, Patrick Leveque a également fait appel. Sur le papier, son casier judiciaire est vide, il est innocent.
Les trois magistrates ont essayé, ce mardi, par tous les moyens, d’obtenir des explications. Lui concède seulement une agression, simple, « je n’ai jamais eu d’intention sexuelle », martèle-t-il.
« Il faut relativiser sur son propre sex-appeal. Il faut avoir une grosse estime de soi pour se dire que quand une femme vous croise, elle est illuminée » (la présidente de l’audience)
Il laissera échapper à l’audience, qu’effectivement, il aurait pu « glisser » jusqu’à pénétrer sa victime, puis se ravise. Au-delà de cela, il n’en démord pas, et maintient sa version des faits. Pourtant mis face à ses nombreuses contradictions, Patrick Leveque signe et persiste. « Vous avez toujours été flou, monsieur, soulève une magistrate. Dès le 2 avril (trois jours seulement après les faits) vous n’êtes pas capable de dire quels gestes vous avez fait. » « Il maintient après quatre auditions en garde à vue, deux devant un juge d’instruction, celles devant le Mars (1) et quatre avocats… C’est que sa version des faits a du sens », insiste Me Cuitot, son conseil.
Consommateur aguerri de pornographie
Pour comprendre cet homme « inauthentique » et d’une « dangerosité certaine », selon les experts, « un prédateur sexuel » selon Me Manesse, avocate de la victime, il faut fouiller. Le père et grand-père revêt la face de monsieur tout le monde, avec, c’est vrai, un attrait particulier pour le contenu pornographique classé « violent ». « Vous dites que les sites pornos, ce n’est pas du tout votre truc. Manque de chance, quand on fouille votre ordinateur, on voit que ce sont les sites que vous fréquentez le plus », pointe la présidente. Aspect « purement moral, relève l’avocate de la défense. Aujourd’hui, on essaie de vous faire croire qu’il est un gros pervers. La pornographie, ce n’est pas illégal. »
La magistrate reprend : « Pourquoi vous parlez de regard aguicheur ou d’ouverture, terme qui renvoie à quelque chose de sexuel quand vous croisez cette joggeuse ? (…) Il faut relativiser sur son propre sex-appeal. Il faut avoir une grosse estime de soi pour se dire que quand une femme vous croise, elle est illuminée ». Me Manesse enchaîne : « Vous parlez d’une approche osée. On est d’accord qu’il ne s’agit par d’un « Bonjour madame » », mais plutôt d’avances sexuelles.
« Que s’est-il vraiment passé ? On ne sait pas. Cela laisse une porte ouverte. Peut-être qu’il ne ment pas », conclut Me Cuitot qui espère une relaxe au moment du délibéré, le 22 mai. Quant à l’avocate générale, elle a réclamé une augmentation de la peine à quatre ans de prison ferme.