Une préparatrice en pharmacie de Château-Thierry jugée pour escroquerie et vol d’argent

Publié le 11 septembre 2024
L'Union
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Vols de numéraire, escroquerie, altération frauduleuse de la vérité dans un écrit, délivrance irrégulière de médicaments, pour certains classés comme stupéfiants : les délits sont nombreux pour cette préparatrice en pharmacie castelle qui comparaissait ce lundi devant le tribunal judiciaire de Soissons. Des faits qui se seraient déroulés sur deux mois, de septembre à octobre 2023. La femme âgée de cinquante ans, a quant à elle, presque 30 ans d’expérience à son actif et son casier judiciaire est resté vierge jusque-là.

Alors pourquoi cette professionnelle, valorisée par l’ensemble de ses employeurs d’hier et d’aujourd’hui, aurait-elle commis ces délits ? Pourquoi a-t-elle par exemple délivré une petite centaine de molécules sans ordonnance alors que certaines auraient pu mettre en danger la santé des patients ? Le regard rivé sur le listing de ces molécules associées aux patients à qui elles ont été délivrées fourni par la gérante de la pharmacie de La Tour, la prévenue répond : « J’avais leur historique et leurs ordonnances précédentes. C’était un accord avec les anciennes préparatrices. Cela fonctionnait ainsi. Je n’étais pas la seule à le faire dans cette pharmacie », répond la prévenue, la silhouette frêle et recourbée.

Sur le vol du numéraire, deux billets de 10 euros soustraits à la caisse, c’est « le geste du désespoir », explique son avocate, Me Manesse-Chemla. « En avril 2023, son mari est licencié pour inaptitude. Il vient d’apprendre qu’il a la sclérose en plaques. S’ensuivent des frais de santé, des dépenses avancées. Elle perd les pédales. Cela se passe sous l’œil de trois caméras. C’est d’autant plus étonnant qu’elle le fasse. »

Deux billets de 10 euros soustraits dans la caisse

Et les autres délits qui lui sont imputés ? Les questions du président se succèdent les unes après les autres : et les points fidélité crédités sur les comptes des plus gros clients de l’officine uniquement ? « J’avais vu que dans certains magasins de vêtements, cela se faisait pour fidéliser les clients. Je n’ai donc pas pensé à demander aux gérants si je pouvais le faire. » Enfin, pourquoi avoir rempli une attestation de vaccination pour quatre autres patients alors que ceux-ci n’avaient pas encore été vaccinés ? « J’ai rempli trois attestations seulement pour m’avancer dans mon travail, mais je ne leur ai jamais remis parce que j’avais posé la question à mes supérieurs. »

« La sensation que j’ai, c’est que ses employeurs ont profité de la soustraction des 20 euros pour se débarrasser de leur employée », Me Manesse-Chemla

Pourtant, selon Me Duygulu, l’employée modèle est devenue, pendant cette période et peut-être davantage, un escroc de haut vol. « Il ne faut pas chercher. Il n’y a jamais eu de difficulté dans la relation avec ses employeurs, tout se passait très bien jusque-là, elle avait même été augmentée peu de temps avant, note-t-elle. Et puis les vols ont provoqué chez eux une rupture de confiance totale. » Au cours d’une longue plaidoirie, elle explique que ces derniers ont perdu beaucoup dans cette affaire : de l’argent, mais également leur image de marque, écornée. Leur conseil a notamment demandé 96 000 euros de dommages et intérêts.

Six mois de sursis simple requis sans interdiction d’exercer

Après les réquisitions du procureur s’élevant à 6 mois de sursis simple et l’obligation d’indemniser les victimes, son conseil, Me Manesse-Chemla plaidera à la fois la nullité des préventions et la relaxe pour sa cliente. « Je suis dérangée par ce dossier, à plus d’un titre, plaide-t-elle. J’ai la conviction profonde que l’enquête a été menée exclusivement à charge, et le long entretien que vous avez dû mener aujourd’hui, Monsieur le président, me donne raison. Vous avez mené une véritable instruction à la barre (…). Parce que dans ce dossier, il n’y a rien. Il n’y a pas eu d’enrichissement personnel. La sensation que j’ai, c’est que ses employeurs ont profité de la soustraction des 20 euros pour se débarrasser d’elle. », assène-t-elle.

L’affaire a été mise en délibéré, le jugement sera rendu le 14 octobre.

Pauline MANESSE-CHEMLA, avocate pour les victimes
Pauline MANESSE-CHEMLA
Avocat associé