Parasitisme économique : la nécessaire preuve d’une valeur économique identifiée et individualisée.

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Au confluent du droit de la propriété intellectuelle et de la liberté du commerce et de l’industrie se situe la notion de parasitisme. 

La Cour de cassation rappelle régulièrement que les idées étant de libre parcours, le seul fait de reprendre, en le déclinant, un concept mis en œuvre par un concurrent ne constitue pas un acte de parasitisme.

Quelle protection accorder sur le fondement du parasitisme à des biens qui ne font pas l’objet d’un droit privatif de propriété intellectuelle ?

Par deux arrêts du 26 juin dernier, la Cour de cassation est venue clarifier la notion de parasitisme. (Com. 26 juin 2024, n°23-13.535 ; Com 26 juin 2024, n°22-17.647, n°22-21.497)

La Cour de cassation rappelle d’abord que le parasitisme est une faute au sens de l’article 1240 du Code civil qui « consiste pour un opérateur économique à se placer dans le sillage d’un autre afin de tirer indûment profit de ses efforts, de son savoir-faire, de la notoriété acquise ou des investissements consentis. »

Il appartient alors à celui qui se prétend victime d’actes de parasitisme de prouver la réunion de deux conditions :

  • D’une part, l’existence d’une valeur économique identifiée et individualisée à laquelle il est portée atteinte

  • D’autre part, la volonté ou l’intention de se placer dans le sillage de l’entreprise.

C’est plus précisément sur la notion de valeur économique identifiée et individualisée que se prononce la Cour de cassation.

Dans la première affaire, les faits étaient les suivants : les sociétés Auchan avaient commercialisé des tasses et des bols comportant des images « vintage ». Soutenant que ces objets reproduisaient le décor d’un tableau qu’elle commercialisait, la société Maisons du monde les avait assignées pour concurrence déloyale et parasitisme économique. 

La Cour de cassation a approuvé la décision des juges du fond qui ont considéré qu’il n’y avait pas d’actes de parasitisme. 

La Cour rappelle d’abord que la seule longévité et le succès de la commercialisation d’un produit ne suffisent pas à identifier la valeur économique individualisée.

La Cour de cassation, pour approuver la décision des premiers juges d’avoir exclu l’existence d’une valeur économique individualisée, s’appuie ensuite sur les indices identifiés par ces derniers.

Ainsi, le décor invoqué par la société Maisons du monde constituait une combinaison banale d’images de sorte qu’il n’y avait pas de véritable travail de conception, les investissements publicitaires étaient limités, le produit n’ayant pas été mis en avant comme étant emblématique. S’agissant du caractère innovant, le produit s’inscrivait dans un genre en vogue et le thème n’était pas caractéristiques de l’univers des produits de la société Maisons du monde.

Dans l’autre arrêt rendu le même jour, la Cour de cassation a retenu la solution inverse en approuvant la décision des juges du fond qui avaient caractérisé l’existence d’actes de parasitisme.

Dans cette affaire, les sociétés Decathlon avaient assigné les sociétés Intersport e et Phoenix en contrefaçon, en concurrence déloyale et en parasitisme considérant que le masque tuba commercialisé par cette dernière était la reprise du masque intégral tuba « Easybreath » produit et commercialisé par Decathlon.

Dans ce deuxième arrêt, la Cour de cassation a approuvé la décision des juges du fond qui avaient retenu que le masque « Easybreath » constituait une valeur économique identifiée et individualisée caractérisée par sa grande notoriété, la réalité du travail de conception et de développement, le caractère innovant et les investissements publicitaires. 

Dans ces conditions, il apparaît que pour obtenir gain de cause en justice et obtenir réparation de son préjudice, la victime de parasitisme économique devra s’attacher à démonter l’existence d’une valeur économique identifiée et individualisée au regard des critères posés par la Cour de cassation.

Maître Fanny LOUVET

Fanny LOUVET, avocate en droit des marques à Troyes
Fanny LOUVET
Avocat associé