Atteints d’un cancer des voies urinaires, trois ex-salariés du groupe Trèves à Reims poursuivent leur employeur
« En saisissant le Pôle social du tribunal judiciaire de Reims (Marne), nous voulons faire reconnaître la responsabilité de la société Trèves. On veut aussi alerter les familles car sur le site de Reims, les cas de cancer se multiplient », lance Steve Carré. C’est au Cera (Centre d’étude et de recherche pour l’automobile) qu’ont travaillé les trois plaignants : Christian Beauvais pendant 56 ans, Laurent Guichard pendant 28 ans et Steve Carré pendant 23 ans. Tous ont été atteints par un cancer des voies urinaires entre 2020 et 2023.
« Ça a toujours été du bricolage »
C’est en 2022 qu’une tumeur de 7 cm est détectée dans le rein gauche de Steve Carré. « Elle avait la taille d’un pamplemousse, ce n’est pas anodin et le cancer du rein touche davantage les fumeurs ce qui n’était pas mon cas. » Il est alors technicien de laboratoire depuis 2001 au sein du groupe Trèves. En pleine forme, l’Ardennais de 44 ans se partageait entre sa famille, son travail et son activité de pompier volontaire. « Ces dernières années, les activités se sont diversifiées sur le site de Reims mais les moyens n’ont jamais été adaptés. Ça a toujours été du bricolage. En métrologie, on manipule des pièces à main nue et j’étais exposé aux fumées de décomposition de produits pétroliers. Tout le personnel se rend dans l’atelier pour voir les développements, même des ingénieurs sont tombés malades. Mais quand on a eu des entretiens avec la RH, ils nous ont dit que c’était ni plus, ni moins que la même chose qu’un barbecue dans notre jardin », tempête-t-il.
Les plaignants dénoncent aussi le stockage non conforme des fûts de produits chimiques, l’absence de système d’aspiration ou d’équipements de protection individuels. Trèves est un équipementier automobile spécialisé dans l’intérieur des véhicules et leur acoustique. Leurs principaux clients sont Peugeot, BMW ou encore Renault. Et le groupe emploie près de 130 personnes à Reims.
Aujourd’hui Steve et ses anciens collègues espèrent avoir des réponses. Son cancer est désormais reconnu comme maladie professionnelle depuis 2023 et sa reconnaissance de handicap est à un taux de 57 %. « Je suis en période de rémission pour mon cancer mais j’ai encore beaucoup d’effets secondaires et de fatigue. Certains jours, je peux avoir du mal à me lever du canapé ou à monter un escalier. Mais je veux aller au bout de la procédure judiciaire. J’attends aussi un soutien politique. Je veux qu’on m’explique comment on a pu avoir de tels dysfonctionnements. »
Pas d’accord à l’amiable
Leur avocat, Maître Gérald Chalon, du cabinet ACG Avocats et Associés, a déposé les dossiers ce mardi 28 janvier au greffe du tribunal judiciaire. Avant cela une proposition d’accord à l’amiable avait été faite au groupe mais les négociations ont échoué. Les trois plaignants veulent donc faire reconnaître la faute inexcusable de leur employeur
« La faute inexcusable c’est la conscience du danger par l’employeur qui ne prend pourtant pas toutes les mesures pour protéger ses salariés. Dans cette affaire, on a suffisamment de rapports qui indiquent que la société était parfaitement informée des risques d’exposition aux produits chimiques et cancérigènes », souligne Maître Chalon.
Par Marie Blanchardon - Le Parisien