Un ex-gendarme du GIGN de Reims jugé pour avoir tué d’un coup de feu un nomade suspecté de vols

Publié le 07 février 2024
L'Union

Le militaire de l’antenne GIGN de Reims a tué par balle un nomade de 23 ans qu’il tentait d’interpeller à bord d’une voiture, lors d’une opération déclenchée au retour d’un raid, en 2018 près de Lens. Il comparaît à partir du 19 février devant la cour criminelle du Pas-de-Calais.

Avocat du gendarme, Me Sébastien Busy conteste le caractère illégitime du tir.

Sa mort avait provoqué une vive émotion au sein de la communauté des gens du voyage, avec la mise à feu de véhicules et de barricades à proximité des lieux du drame. C’était dans le Pas-de-Calais, en septembre 2018. Nomade de 23 ans, Henri Lenfant était tué d’un coup de feu tiré par un gendarme de l’antenne GIGN de Reims, lors d’une opération d’interception dans la banlieue de Lens.

Plus de cinq ans après, le militaire - qui n’appartient plus à l’unité - va comparaître à partir du lundi 19 février devant la cour criminelle du Pas-de-Calais*, à Saint-Omer. Il y sera jugé pour «violences avec arme ayant entraîné la mort sans intention de la donner par personne dépositaire de l’autorité publique», ont révélé nos confrères de La Voix du Nord. L’accusé encourt vingt ans de réclusion. Quatre jours de procès sont prévus, avec un verdict attendu le jeudi 22 février.

Le drame s’est produit à Fouquières-lès-Lens, où d’importantes forces de gendarmerie s’étaient déployées autour d’un camp de nomades, dans la nuit du 27 au 28 septembre 2018, pour procéder à l’arrestation d’individus suspectés d’une série de vols commis « en bande organisée » dans le bassin minier. S’agissant d’une intervention jugée à risque, le renfort de l’antenne GIGN de Reims avait été demandé pour procéder aux interpellations.

La situation a basculé vers 3 h 30, lorsque l’unité a donné le top départ de l’interception d’une BMW qui regagnait le camp, après avoir été prise en filature lors d’un raid dans le Nord. Trois hommes se trouvaient à bord. Les passagers ont bondi à l’extérieur tandis que le conducteur, Henri Lenfant, s’engageait dans un terrain vague où des gendarmes l’ont stoppé. D’après les conclusions de l’enquête de l’IGGN (inspection générale de la gendarmerie nationale), le sous-officier de l’antenne GIGN de Reims s’était introduit côté passager, arme à la main, pour tenter de maîtriser le conducteur. Le coup de feu est parti à ce moment-là. Touché d’une balle dans la nuque, Henri Lenfant, père de deux fillettes âgées de trois et six ans, succombait peu après.

Placé en garde à vue dès la nuit des faits, puis remis en liberté sous contrôle judiciaire après notification sa mise en examen, le gendarme accusé du tir mortel y reste astreint jusqu’à son procès. Il a notamment été privé du droit de détenir une arme, ce qui avait conduit à son retrait de l’antenne GIGN de Reims et à l’interdire de toute activité opérationnelle. Aujourd’hui, il travaille toujours en gendarmerie, à un poste administratif.

Me Busy, l’avocat du gendarme, va plaider l’acquittement

Avocat du gendarme, Me Sébastien Busy conteste le caractère illégitime du tir. La juge d’instruction de Béthune chargée du dossier en a décidé autrement, ainsi que la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Douai qui a confirmé le renvoi du mis en cause devant la cour criminelle du Pas-de-Calais. Un pourvoi en cassation a été formé, mais il a été rejeté.

En phase avec l’accusation, l’avocat de la famille Lenfant considère que le tir est fautif. « On va se battre pour tenter de démontrer que l’ouverture du feu était conforme aux conditions requises par le Code de la sécurité intérieure », répond au contraire Me Busy. « Les gendarmes étaient positionnés pour interpeller les trois occupants d’une voiture. Deux sont sortis tandis que le troisième est resté cramponné au volant. Mon client est monté côté passager pour aider ses collègues à extraire le conducteur. Celui-ci a redémarré à fond, alors même que le frein à main était enclenché. Il a fait des mouvements de volant pour faire chuter mon client qui était à genoux sur le siège, avec ses pieds et ses jambes qui dépassaient à l’extérieur. Il a décidé de tirer pour faire stopper le véhicule, sans avoir l’intention de tuer son conducteur, évidemment, mais ça tanguait tellement que ce tir a eu les conséquences dramatiques que nous connaissons. Je considère que les circonstances correspondent à l’un des faits justificatifs prévus par le Code de la sécurité intérieure pour ouvrir le feu. Et subsidiairement, je plaiderai la légitime défense. »

Décrit comme un élément « bien note », loué pour son « activité rigoureuse », le sous-officier aujourd’hui âgé de 43 ans est « très affecté » par cette affaire, précise Me Busy. « C’est très compliqué pour lui, professionnellement mais aussi personnellement : il est très marqué par la mort de ce jeune homme ».

Sébastien BUSY, avocat pénaliste à reims. Il intervient en droit pénal, crash aérien, permis de conduire
Sébastien BUSY
Avocat associé