Antidater la rupture conventionnelle, une fausse bonne idée

Pour accélérer la procédure de rupture conventionnelle du contrat de travail, l’employeur et le salarié peuvent parfois s’entendre pour antidater la signature de la convention. Cette pratique s’avère cependant risquée, comme l’a rappelé la Cour d’appel d’Aix-en-Provence dans un arrêt rendu le 17 juin 2022 (n°18-20412). `
En l’espèce, un salarié, embauché en qualité d’horloger depuis le 2 mai 2013, avait mis fin à son contrat de travail le 23 août 2017 suite à une rupture conventionnelle signée avec son employeur. Il saisissait la juridiction prud’homale pour contester la validité de la rupture conventionnelle et réclamer le paiement de dommages et intérêts.
Par jugement du 14 décembre 2018, il était débouté de l’ensemble de ses demandes.
En appel, il sollicitait la nullité de la rupture conventionnelle signée par les parties le 31 juillet 2017. Il faisait notamment valoir qu’il avait été convoqué oralement le 28 juillet à un entretien devant se dérouler le 31 juillet et qu’il avait appris à cette occasion que l’entretien était une rencontre en vue d’une éventuelle rupture conventionnelle. Il expliquait qu’acculé par le harcèlement moral dont il faisait l’objet, il avait été contraint de signer la rupture conventionnelle. Il ajoutait que le formulaire Cerfa matérialisant la rupture conventionnelle avait été datée du 13 juillet 2017 dans le seul et unique but de le priver de son droit de rétractation de 15 jours.
L’employeur soutenait au contraire que le salarié était à l’initiative de la rupture conventionnelle et que la convention avait été régularisée lors d’un premier entretien le 13 juillet 2017, comme mentionné sur le formulaire Cerfa.
Au regard des pièces versées au dossier, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence a estimé que « le formulaire Cerfa de rupture conventionnelle adressé à la DIRRECTE porte une fausse date du 13 juillet 2017 au lieu du 31 juillet 2017 et n’a ainsi pas permis (au salarié) d’exercer son droit à rétractation dont le délai était expiré le 31 juillet 2017. Le consentement donné par le salarié à la rupture conventionnelle de son contrat de travail a, dans ces circonstances, été vicié. Il s’ensuit que la rupture du contrat de travail, ayant fait suite au harcèlement moral subi par le salarié, équivaut à un licenciement nul en application de l’article L.1152-3 du code du travail ».
Mieux vaut ainsi être prudent au moment de la signature d’une rupture conventionnelle. Antidater la convention, c’est prendre le risque de la voir annuler par la suite et de se voir condamner au versement de dommages et intérêts.
Le droit de rétractation constitue en effet une garantie de l’intégrité du consentement des parties à la rupture, régulièrement rappelée par la Cour de cassation qui a ainsi pu juger que la convention de rupture était nulle si sa date de signature, non mentionnée, est incertaine ou si, à la date de sa signature, le délai de rétractation était déjà expiré.
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