Dans un arrêt rendu le 13 septembre 2023, la chambre sociale de la Cour de cassation a eu à se prononcer sur la régularité d’un licenciement pour inaptitude sans recherche de reclassement et a réaffirmé avec force les conditions strictes auxquelles devait répondre cette procédure.

En l’espèce, un salarié, en arrêt de travail depuis plus de 2 ans pour une maladie d’origine non professionnelle, était déclaré inapte suivant un avis du médecin du travail du 23 août 2017 rédigé en ces termes : « Inapte. Étude de poste, étude des conditions de travail et échanges entre le médecin du travail et l’employeur réalisés le 16 août 2017. Tout maintien du salarié dans un emploi dans cette entreprise serait gravement préjudiciable à sa santé ».

Le salarié était licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 18 septembre 2017. Il contestait devant la juridiction prud’homale les conditions de la rupture de son contrat de travail.

La Cour d’appel d’Amiens, dans un arrêt du 6 janvier 2022, considérait que la formulation choisie par le médecin du travail n’impliquait pas l’éloignement du salarié de toute situation de travail (mais seulement d’un emploi au sein de cette entreprise) et que l’employeur avait dès lors manqué à son obligation de reclassement en ne recherchant pas un autre emploi au salarié. Elle en concluait que le licenciement pour inaptitude était dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Saisie par l’employeur d’un pourvoi en cassation, la Haute juridiction a rappelé qu’aux termes de l’article L.1226-2-1 du code du travail, entré en vigueur le 1er janvier 2017, l’employeur ne peut rompre le contrat de travail d’un salarié inapte que s’il justifie être dans l’un des trois cas suivants :

  • Impossibilité de proposer au salarié un emploi de reclassement conforme aux critères prévus par l’article 1226-2 ;
  • Refus du salarié de l’emploi de reclassement proposé ;
  • Mention expresse dans l’avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.

Elle relève que les juges d’appel ont constaté que l’avis d’inaptitude du médecin du travail mentionnait que tout maintien du salarié dans un emploi dans cette entreprise serait gravement préjudiciable à sa santé, et non que tout maintien dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé. Elle en conclut que l’employeur a manqué à son obligation de reclassement et n’a pas respecté la procédure de licenciement.

La Cour de cassation contrôle ainsi rigoureusement la dispense de reclassement du salarié inapte :

Si l’avis d’inaptitude établi par le médecin du travail reprend fidèlement les termes de la loi, l’employeur est dispensé de son obligation de reclassement. Dans le cas contraire, il appartient à l’employeur de consulter les représentants du personnel et de rechercher un emploi de reclassement à l’extérieur de l’entreprise, le cas échéant, dans le groupe auquel il appartient.

Une attention particulière doit ainsi être portée, par l’employeur comme par le salarié, sur la manière dont est rédigé l’avis d’inaptitude, afin d’éviter des difficultés ultérieures. En cas de doute, il peut être utile de se rapprocher du médecin du travail pour obtenir des éclaircissements sur la portée de l’avis.

Olivier BARNEFF
Avocat associé

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