Prime et absence au travail : quelles articulations ?

Publié le

La question est récurrente en droit du travail.

L’entreprise connait plusieurs régimes de primes et le salarié s’interroge de l’impact de ses absences sur le montant de celles-ci.

La question est souvent posée pour les primes de 13e mois.

Elle peut également intéresser les primes de participation et d’intéressement.

Toutes les primes obéissent aux mêmes principes juridiques.

Il convient d’abord d’identifier le fondement juridique de la ou des primes concernées et leur régime.

Celles-ci peuvent être prévues par une convention collective, un accord d’entreprise, d’UES, de groupe, le contrat de travail du salarié, un engagement unilatéral de l’employeur ou encore un usage.

Si ces différents supports ne prévoient aucun impact des absences pour le versement des primes dont ils précisent le régime, aucune absence de quelque nature que ce soit ne pourra être prise en compte par l’employeur.

Si la prime a été mise en place de façon plus ou moins empiriques, sans véritable support, comme c’est souvent le cas des usages, il faudra, conformément au régime de l’usage, prouver que les absences n’ont jamais été prises en compte dans la pratique de l’employeur pour leur calcul.

Si le texte qui instaure les primes prévoient une condition de présence ou de travail effectif dans l’entreprise pour en bénéficier, l’absence réduit proportionnellement le montant de la prime.

La légalité de la prise en compte des absences est cependant enfermée par deux éléments.

D’une part, si un texte légal ou tout autre support juridique opposable à l’employeur assimile l’absence reprochée au salarié ou maladie à son temps de travail effectif, cette assimilation ouvrira le droit au paiement de la prime.

D’autre part et surtout, si l’employeur tient compte des absences pour le paiement d’une prime, il ne peut faire de distinction entre les différents types de prime.

En d’autres termes, toutes les absences assimilées à du temps de travail effectif doivent subir le même régime, sans distinction.

Il en va de même pour toutes les absences non assimilées à du temps de travail effectif.

Toutes les absences appartenant à une même catégorie doivent être traitée de la même façon et avoir les mêmes conséquences sur l’attribution de la prime.

Ainsi, par exemple, une absence pour maladie professionnelles ne peut être traitée d’une façon différente d’une absence pour un accident du travail : ces deux absences appartiennent à la même catégorie d’absence assimilé de par la loi à du temps de travail effectif.

Autre exemple, une absence pour maladie non professionnelle ne peut être traitée différemment qu’une absence pour congé parental.

Ces deux absences appartiennent encore à la même catégorie des absences non assimilées à du temps de travail effectif.

Toute différence de traitement sera alors considérée comme une discrimination et ce comme le rappelle souvent la Cour de cassation.

(Cass. Soc., 11 janvier 2012, n°10-23139)

(Cass. Soc., 7 novembre 2018, n°17-15833)

Pour rappel, sont considérées comme assimilés à du temps de travail effectif :

  • Les congés payés pris au cours de l’année de référence ;

  • Le congé de maternité, de paternité et d’adoption ;

  • La contrepartie obligatoire en repos accordée pour les heures supplémentaires ;

  • Les jours de repos accordés au titre d’un accord d’aménagement du temps de travail ;

  • Les périodes d’absence pour accident du travail ou maladie professionnels, dans la limite d’une durée ininterrompue d’un an ; 

  • Les périodes d’absence pour accident de trajet ;

  • La bonification en repos remplaçant le paiement des heures supplémentaires ;

  • La journée d’appel de préparation à la défense ;

  • Les congés légaux pour événements familiaux ;

  • Le congé pour effectuer un bilan de compétences ;

  • Les périodes de formation : congé individuel de formation, formation économique, sociale et syndicale, formation des conseillers prud’homaux, formation des administrateurs de mutuelles ;

  • Les congés de représentation accordés aux salariés bénévoles membres d’une association ou d’une mutuelle ;

  • Le temps passé hors de l’entreprise pour exercer leur mission par les conseillers du salarié et les conseillers prud’homaux ;

  • Le temps de mission et de formation des sapeurs-pompiers volontaires ;

  • Les congés accordés aux salariés candidats à l’Assemblée nationale ou au Sénat pour participer à la campagne électorale ;

  • Les absences dues aux examens médicaux obligatoires liés à la grossesse et à l’accouchement.

Les situations doivent ainsi être étudié au cas par cas en fonction des textes et principes applicables dans l’entreprise.

 

Gérald CHALON, avocat en droit du travail

Gérald CHALON, avocat à Reims en droit du travail et droit public
Gérald CHALON
Avocat associé

Dans la même thématique

Avertir par téléphone un salarié de son licenciement peut s’avérer dangereux

Il est régulièrement jugé qu’un licenciement verbal doit être considéré sans cause réelle et sérieuse, ce dernier ne répondant pas aux exigences de motivation prévues par la loi. Aux termes de l’article L.1232-6 du code du travail, il appartient à l’employeur d’adresser au salarié une lettre de licenciement, comportant l’énoncé du ou des motifs invoqués à l’appui de sa décision.

Une rupture conventionnelle peut-elle être valablement conclue en alternative à un licenciement pour motif disciplinaire ?

Le choix laissé par l’employeur entre licenciement pour faute et rupture conventionnelle ne constitue pas en soi une pression pouvant remettre en cause la régularité de la rupture conventionnelle.

La procédure de mise en demeure mise en œuvre par l’employeur qui entend faire valoir la présomption de démission du salarié en cas d’abandon de poste volontaire.

Publié le - Thème(s) : Thème : Droit du salarié, Thème : Droit social des employeurs
Depuis le 23 décembre 2022, l’employeur ne peut désormais plus recourir au licenciement pour faute grave pour licencier un salarié ayant volontairement abandonné son poste. C’est ce qu’à nouvellement instauré le législateur dans une récente Loi du 21 décembre 2022 (Loi n°2022-1598) qui créé, à l’article L. 1237-1-1 du Code du travail, la présomption de démission du salarié en cas d’abandon de poste.

Salarié et infraction au code de la route : qui est responsable ?

Publié le - Thème(s) : Thème : Droit du salarié
Salarié et infractions au Code de la route : qui est responsable ?

Action de requalification des CDD en CDI : les précisions de la Cour de cassation en 2023

Publié le - Thème(s) : Thème : Droit du salarié, Thème : Droit social des employeurs, Thème : Rédaction des contrats de travail et avenants
En 2023, la Chambre sociale de la Cour de cassation a eu l’occasion de préciser les règles de droit applicables aux contrats à durée déterminée. A défaut, de respect de ces conditions de fond et de forme, la juridiction prud’homale sera habilitée à prononcer la requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée. 

La dispense de reclassement du salarié inapte strictement encadrée par la loi.

Dans un arrêt rendu le 13 septembre 2023, la chambre sociale de la Cour de cassation a eu à se prononcer sur la régularité d’un licenciement pour inaptitude sans recherche de reclassement et a réaffirmé avec force les conditions strictes auxquelles devait répondre cette procédure.

Preuve de la faute du salarié : le retour du "client mystère" (Cass.soc. 6 septembre 2023)

Publié le - Thème(s) : Thème : Droit du salarié, Thème : Droit social des employeurs
Dans un arrêt du 6 septembre 2023, la chambre sociale de la Cour de Cassation a jugé que la pratique du "client mystère" pour établir d'éventuelles fautes du salarié est licite mais sous certaines conditions.

Congés payés : à vos compteurs ! Le salarié malade continue d'acquérir des congés payés

Publié le - Thème(s) : Thème : Droit du salarié
Ce n’est pas un revirement, c’est une révolution ! Par une série de 7 arrêts (Cass.soc. 13 septembre 2023 22-17.340 à 22-17.342 ; 22-17.638 ; 22-10.529, 22-11.106 et n°22-10.529), la Cour de cassation vient d’apporter un changement drastique dans l’état de notre droit national en matière de congés payés du salarié.

Antidater la rupture conventionnelle, une fausse bonne idée

Pour accélérer la procédure de rupture conventionnelle du contrat de travail, l’employeur et le salarié peuvent parfois s’entendre pour antidater la signature de la convention. Cette pratique s’avère cependant risquée.

Un salarié déclaré inapte en cours de procédure ne peut être licencié pour un autre motif

Dans un arrêt rendu le 8 février 2023, la chambre sociale de la Cour de cassation a eu à statuer sur la possibilité de prononcer un licenciement pour faute, ici lourde, à l’encontre d’un salarié déclaré inapte avant son licenciement.