Dans un arrêt du 15 novembre 2023, la chambre sociale de la Cour de cassation a eu à se prononcer sur la régularité d’une rupture conventionnelle, proposée par l’employeur comme alternative à un licenciement pour motif disciplinaire. 

En l’espèce, un ouvrier du bâtiment a travaillé à plusieurs reprises sans son harnais de sécurité et sans son casque. Compte tenu du caractère répétitif de l’incident, l’employeur a décidé de rompre le contrat de travail, laissant toutefois le choix au salarié entre une rupture conventionnelle et un licenciement pour faute grave, voire lourde, afin de tenir compte de l’ancienneté de ce dernier dans l’entreprise.

Une rupture conventionnelle a été signée le 22 décembre 2017. 

Quelque temps après, le salarié a saisi la juridiction prud’homale d’une demande d’annulation de la convention de rupture pour vice de consentement, reprochant à son ancien employeur d’avoir exercé une pression sur lui en le menaçant d’un licenciement disciplinaire. 

Débouté par le conseil des prud’hommes puis par la Cour d’appel de Toulouse, le salarié a formé un pourvoi en cassation. 

La question soumise à la Haute juridiction était ainsi la suivante : Une rupture conventionnelle peut-elle être valablement conclue en alternative à un licenciement pour motif disciplinaire ?

La Cour de cassation rappelle que « l’existence, au moment de la conclusion de la convention de rupture, d’un différend entre les parties au contrat de travail, n’affecte pas par elle-même la validité de la convention de rupture ». 

Examinant la motivation de la Cour d’appel qu’elle fait sienne, elle constate que le salarié n’a pas usé de son droit de rétractation et n’établit pas que la rupture conventionnelle a été imposée par l’employeur. 

Elle en conclut que le salarié ne rapporte pas la preuve d’un vice du consentement de nature à remettre en cause la validité de la convention de rupture. 

Autrement dit, un employeur peut laisser le choix à un salarié qui a commis des faits graves entre un licenciement pour motif disciplinaire et une rupture conventionnelle, cette alternative n’étant pas assimilée en tant que telle à une pression ou une forme de chantage au licenciement. 

La régularité de la convention de rupture ne peut être remise en cause que si le salarié démontre que son consentement a été vicié. Tel est le cas, par exemple, lorsqu’un employeur menace le salarié de ternir la poursuite de sa carrière (Cass. soc., 23 mai 2013) ou lui délivre des avertissements successifs et injustifiés, tout en dévalorisant et dégradant ses conditions de travail (Cass. soc., 8 juillet 2020). 

Olivier BARNEFF
Avocat associé

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