Congés payés pendant un arrêt de travail : présentation des nouvelles règles

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Thème(s) : Droit du salarié

 

1. LA COUR DE CASSATION, AUX TERMES DE PLUSIEURS ARRETS DU 13 SEPTEMBRE 2023, EST VENUE – CONFORMEMENT AU DROIT EUROPEEN – CONSACRER UN DROIT ANNUEL A CONGES PAYES. 

Ces arrêts du 13 septembre 2023 consistent en un revirement de la jurisprudence de la Cour de cassation. 

La Haute Juridiction a précisé : « (...) Dès lors, le litige opposant un bénéficiaire du droit à congés payés à un employeur ayant la qualité de particulier, il incombe au Juge national d’assurer, dans le respect de ses compétences, la protection juridique découlant de l’article 31 paragraphe 2 de la Charte des Droits Fondamentaux de l’Union Européenne et les garantir du plein effet de celui-ci, en laissant, au besoin, inappliquée ladite réglementation nationale ». 

La même juridiction a encore précisé : « (...) La Cour de Justice de l’Union Européenne juge qu’il incombe à la juridiction nationale de vérifier, en prenant en considération l’ensemble du droit interne et en faisant une application des méthodes d’interprétation reconnues par celui-ci, si elle peut parvenir à une interprétation de ce droit permettant de garantir la pleine effectivité de l’article 7 de la Directive 2003/88 B et d’aboutir à une solution conforme à la finalité poursuivie par celui-ci (...) ». 

(Cass. Soc. 13 septembre 2023, n°22-17.340 à 342 et n° 17-638) 

Il convient donc d’appliquer le droit désormais reconnu à tout salarié d’un droit annuel à congés payés et ce, sans distinction que l’arrêt-maladie soit d’origine professionnelle ou non. 

L’acquisition des congés payés pendant un an, prévue par le Code du Travail pour les arrêts-maladie d’origine professionnelle, est également jugée non conforme au droit européen. 

Le salarié continue à acquérir des congés payés pendant toute son absence, qu’elle soit d’origine professionnelle ou non. 

2. C’EST DANS CE CADRE QUE LE LEGISLATEUR EST INTERVENU POUR MODIFIER LES DISPOSITIONS DU CODE DU TRAVAIL RELATIVES A LA PRISE DES CONGES PAYES. 

Il s’agit désormais d’appliquer les dispositions de la loi n°2024-634 du 22 avril 2024. 

Le législateur est venu encadrer le droit à acquisition des congés payés pendant un arrêt-maladie, les modalités de leur report et, éventuellement, les cas d’expiration de ce droit à congés payés. 

 

3. L’ACQUISITION DE CONGES PAYES PENDANT UN ARRET-MALADIE, QUE CELUI-CI SOIT LIE OU NON A UN ACCIDENT DU TRAVAIL OU UNE MALADIE PROFESSIONNELLE, EST DESORMAIS UN PRINCIPE. 

Les dispositions de l’article L 3141-5 du Code du Travail ont été réécrites : 

« (...) Sont considérées comme périodes de travail effectif pour la détermination de la durée du congé :
(...)
5. Les périodes pendant lesquelles l’exécution du contrat de travail est suspendue pour cause d’accident du travail ou de maladie professionnelle. 

(...)
7. Les périodes pendant lesquelles l’exécution du contrat de travail est suspendue pour cause d’arrêt de travail lié à un accident ou une maladie n’ayant pas un caractère professionnel ». 

4. POUR LES ARRETS LIES A UN ACCIDENT DU TRAVAIL OU A UNE MALADIE PROFESSIONNELLE, LES SALARIES VONT DESORMAIS ACQUERIR 2,5 JOURS DE SES CONGES PAYES PAR MOIS, SOIT 5 SEMAINES PAR AN. 

Le législateur a supprimé la limite d’un an qui existait quant à la période maximale d’acquisition des congés payés. 

 

5. EN REVANCHE, POUR LES ARRETS LIES A UN ACCIDENT OU A UNE MALADIE N’AYANT PAS UN CARACTERE PROFESSIONNEL, LE SALARIE BENEFICIE SEULEMENT D’UNE ACQUISITION DE CONGES PAYES A HAUTEUR DE 2 JOURS PAR MOIS, SOIT 4 SEMAINES PAR AN. 

Il s’agit de la dérogation prévue à l’article L 3141-5-1 du Code du Travail. 

 

6. LES CONGES PAYES ACQUIS AVANT UN ARRET-MALADIE, QUELLE QUE SOIT LA CAUSE DE CELUI-CI, RESTENT DES CONGES ACQUIS. 

Le législateur a néanmoins soumis les congés payés acquis au nouveau régime du droit à report.


L’article L 3141-19-1 précise que le salarié dispose d’une « période de report de 15 mois, afin de les utiliser ». 

Il a ensuite précisé : « (...) cette période débute à la date à laquelle le salarié reçoit, après sa reprise du travail, les informations prévues à l’article L 3141-19-3 ». 

Conformément à cette dernière disposition, cette information comprend : 

« 1. Le nombre de jours de congés payés dont il dispose,
2.La date jusqu’à laquelle ses jours de congés peuvent être pris ». 

Cette information doit être portée à la connaissance du salarié, dans le mois qui suit la reprise du travail, par tout moyen conférant date certaine à leur réception, notamment, au moyen du bulletin de paie. 

 

7. LES MEMES DISPOSITIONS ET MODALITES S’APPLIQUENT EGALEMENT POUR LES CONGES PAYES ACQUIS PENDANT UN ARRET-MALADIE D’ORIGINE PROFESSIONNELLE OU NON QUAND CET ARRET EST D’UNE DUREE INFERIEURE A UN AN. 

L’article L 3141-19-2 a bien prévu un régime dérogatoire à ce régime de report. La lecture attentive de cet article renseigne que la dérogation ne vise que l’hypothèse dans laquelle « le contrat de travail est suspendu depuis au moins un an ». 

Dans tous les cas de figure où la suspension du contrat de travail est inférieure à un an, du fait d’un arrêt pour accident ou maladie, le salarié va acquérir des congés payés pendant ladite période et bénéficier, à sa reprise, d’un droit à report de 15 mois. 

 

8. LE LEGISLATEUR A EGALEMENT REGLE LE SORT DES CONGES PAYES ACQUIS PENDANT LES ARRETS- MALADIE QUAND LESDITS ARRETS SONT « D’UNE DUREE D’AU MOINS UN AN ». 

C’est le régime dérogatoire de l’article L 3141-19-2 du Code du Travail. 

Il s’agit de l’hypothèse où le salarié a été absent pendant toute la période de référence d’acquisition des congés payés. 

Les articles L 3141-11 et R 3141-4 prévoie que la période de référence de droit commun, à défaut d’accord, est le 1er juin de l’année précédente et le 31 mai de l’année en cours. 

Si, à l’expiration de cette période d’acquisition, soit le 1er juin de l’année en cours, le salarié est absent, il dispose, à compter de cette date, d’un droit à report de 15 mois. 

Si le salarié reprend le travail dans ce délai de 15 mois, il bénéficie de son droit à report, lié à l’obligation d’information à la charge de l’employeur sur ses droits à congés payés. 

Si le salarié ne reprend pas le travail dans ce délai de 15 mois, les droits à congés payés sont expirés et définitivement perdus.

 

9. IL FAUT DONC RESERVER L’HYPOTHESE DANS LAQUELLE LE SALARIE SERAIT ABSENT PENDANT TOUTE LA PERIODE DE REFERENCE D’ACQUISITION DU DROIT A CONGES PAYES. 

Il bénéficie d’un droit à report à 15 mois. 

Lors du déclenchement de ce droit à report, il reste encore en arrêt-maladie quelques mois supplémentaires, mais reprend le travail avant l’expiration du délai de 15 mois. 

Il bénéficie de son droit intégral à report et des nouveaux congés payés acquis pendant les mois d’arrêts supplémentaires après l’année complète d’absence. 

 

10. AINSI, PAR EXEMPLE, LE SALARIE EST ABSENT DU 1ER JUIN 2023 AU 31 MAI 2024, DANS LE CADRE D’UN ARRET POUR ACCIDENT DU TRAVAIL : 

  • -  le salarié a acquis 30 jours ouvrables de congés payés ; 

  • -  il bénéficie, à compter du 1er juin 2024, d’un droit à report de 15 mois ; 

  • -  à compter du 1er juin 2025, il reste encore en arrêt-maladie pendant 2 mois ; 

  • -  il va ainsi capitaliser 5 jours de congés payés supplémentaires ; 

  • -  il reprend le travail au bout du 14ème mois d’absence continue ; 

  • -  il bénéficie alors de l’intégralité de ses droits à congés payés acquis pendant toute la période 

concernée. 

 

11. LE LEGISLATEUR A PREVU UN LARGE REGIME DE RETROACTIVITE POUR TOUS CES NOUVEAUX ELEMENTS. 

Sont concernées par la rétroactivité : 

✓ l’acquisition de 2 jours ouvrables par mois, en cas de maladie simple, ✓ les règles de report,
✓ l’obligation d’information,
✓ la règle du calcul du 1/10ème au titre de la période d’absence. 

Ces dispositions sont rétroactives, sous réserves toutefois des décisions de justice passées en force de chose jugée ou de dispositions conventionnelles plus favorables en vigueur à la date d’acquisition du droit à congés payés. 

 

12. LE LEGISLATEUR A, EN OUTRE, POSE DES REGLES RELATIVES AU DELAI DE RECLAMATION DES SALARIES. 

Si le salarié est toujours en poste, il a 2 ans (soit jusqu’au 23 avril 2026) pour faire valoir ses droits et solliciter les congés payés qui ont été acquis au cours de périodes d’arrêt-maladie depuis le 1er décembre 2009. 

Pour le salarié dont le contrat de travail est rompu, la loi ne modifie pas les règles de prescription de droit commun de 3 ans applicable pour toute action en paiement de salaire. 

Si la rupture du contrat de travail a été notifiée avant le 24 avril 2021, toute demande relative à des rappels de congés payés est donc ainsi prescrite. 

 

13. EN SYNTHESE : 

  • ✓  Droit à congés payés pendant les périodes d’arrêt-maladie, qu’il soit d’origine professionnelle ou non ; 

  • ✓  Droit à 2 jours/mois de congés payés pendant un arrêt-maladie d’origine non professionnelle ; 

  • ✓  Droit à 2,5 jours/mois de congés payés pendant un arrêt-maladie 

d’origine professionnelle (Accident du Travail ou maladie professionnelle) ; 

  • ✓  Droit à report pendant 15 mois des congés payés acquis, face à une impossibilité de les prendre, 

du fait d’un arrêt-maladie ; 

  • ✓  En cas de reprise, obligation à la charge de l’employeur d’informer le salarié sur ses droits à congés 

payés (nombre de jours restant à prendre et date limite) ; 

  • ✓  Expiration des droits à congés payés à l’issue du délai de 15 mois, si à cette date, le salarié n’a 

pas repris. Le point de départ de ce délai de 15 mois est le premier jour qui suit l’expiration de la période de référence d’acquisition des congés payés : 

soit, en droit commun, pour une période de référence du 1er juin de l’année N – 1 au 31 mai de l’année N, à compter du 1er juin de l’année N. 

 

Gérald CHALON, avocat en droit du travail

Gérald CHALON, avocat à Reims en droit du travail et droit public
Gérald CHALON
Avocat associé

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