Inaptitude : la situation du salarié pendant la période de reclassement

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Le Code du Travail autorise l’employeur à licencier son salarié après un avis médical d’Inaptitude prononcé par le médecin du travail.

Si le Code du Travail prévoit une période d’un mois à compter de l’avis d’Inaptitude, au terme duquel l’employeur doit soit licencier, soit reclasser le salarié, il ne s’agit pas d’une règle impérative. Pendant toute cette période, l’employeur doit rechercher un reclassement du salarié conforme aux préconisations du médecin du travail.

Ces recherches peuvent aller au-delà d’un mois.

Pendant toute cette période, les questions des salariés sur leurs droits sont multiples et récurrentes.

Il s’agit ici d’apporter les principales réponses.


1.    L’inaptitude peut être constatée par le médecin du travail à tout moment :

Le plus souvent, le médecin du travail constate l’Inaptitude d’un salarié après une visite de reprise.

Cette visite est obligatoire :

-    après un congé maternité, 
-    après une absence pour cause de maladie professionnelle,
-    après une absence d’au moins 30 jours pour cause d’accident du travail,
-    après une absence d’au moins 60 jours pour les arrêts de travail dus à un accident ou une maladie non professionnelle.

L’ensemble de ces règles sont rappelées à l’article R 4624-31 du Code du Travail.

Dès que l’employeur apprend la date de la fin de l’arrêt, il doit en informer le service de prévention et de santé au travail, afin que ce dernier organise la visite de reprise.

Le principe est celui d’une visite de reprise dans le délai de 8 jours suivant la date de retour au travail (Règle posée à l’article R 4624-35 du Code du Travail).

Si la visite de reprise ne peut avoir lieu le premier jour travaillé, il convient alors de régler la situation du salarié dans cet intervalle avant la visite de reprise.

Peu d’employeurs prennent le risque ici d’un retour du salarié au travail sans après examen du Médecin du Travail.

La solution peut consister en une dispense d’activité rémunérée ou de la pose de congés payés.

L’Inaptitude ne peut être constatée lors d’une visite de pré-reprise.

Ce cas n’est pas prévu dans les articles R 4624-30 et R 4624-31 du Code du Travail ; au cours de cette visite, le médecin du travail peut seulement recommander des aménagements et adaptations de poste de travail, des formations professionnelles ou encore des préconisations de reclassement.

Enfin, la constatation de l’inaptitude d’un salarié à son poste peut être également réalisée à la demande de celui-ci et ce, même si l’examen médical a lieu pendant un arrêt de travail. La Cour de cassation a clarifié cet élément, aux termes d’un arrêt du 34 mai 2023.
(Arrêt n°22-10.517)


2.    La situation du salarié pendant le délai de reclassement :

A compter de l’avis d’Inaptitude, l’employeur bénéficie d’un délai d’un mois pour reclasser ou licencier le salarié, mais peut prendre davantage de temps.

Pendant toute cette période de reclassement, le salarié reste soumis au pouvoir de direction de l’employeur. Il doit rester disponible pour toute convocation destinée à la recherche du reclassement.
(Cass. Soc. 22 juin 2011 n°10-30.715)

Le Code du Travail ne prévoit pas de rémunération ou de revenu de remplacement pendant ce délai d’un mois laissé à l’employeur pour reclasser ou licencier le salarié.

Les articles L 433-1 et D 433-2 du Code de la Sécurité Sociale prévoient néanmoins, si l’Inaptitude du salarié a une origine professionnelle, la possibilité pour celui-ci de bénéficier d’une indemnité temporaire d’Inaptitude, versée par la Caisse et ce, en attendant son reclassement ou son licenciement.

Il s’agit ici alors d’un formulaire à faire remplir par l’employeur qui doit être ensuite adressé à la Caisse.

L’Inaptitude doit provenir au moins partiellement d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, pour pouvoir bénéficier de cette indemnisation temporaire d’Inaptitude.
(Cass. Soc. 8 septembre 2021 n°20-14.235)

Le montant de l’indemnité temporaire d’Inaptitude est équivalent à celui de l’indemnité journalière versée au titre du dernier arrêt de travail pendant la date de l’avis d’inaptitude.

C’est l’organisme de Sécurité Sociale qui décide in fine de l’octroi ou non de l’indemnisation temporaire d’inaptitude.

Le contentieux relève du Pôle Social des Tribunaux Judiciaires, après accomplissement de la conciliation amiable obligatoire.

La durée de l’indemnisation court du premier jour suivant la date de l’avis d’Inaptitude jusqu’à la date du licenciement ou du reclassement.


3.    La reprise du salaire en l’absence de licenciement ou de reclassement :

Lorsqu’à l’issue d’un délai d’un mois à compter de la date de l’examen médical de reprise du travail, le salarié déclaré inapte et pas reclassé dans l’entreprise ou s’il n’est pas licencié, l’employeur lui verse, dès l’expiration de ce délai, le salarié correspondant à l’emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail.
(Règle rappelée aux articles L 1226-24 et L 1226-11)

La Cour de cassation, aux termes d’un arrêt du 10 janvier 2024, a bien rappelé qu’il s’agit ici d’une obligation légale qui s’impose à l’employeur et ce, de façon strictement indépendante du refus de la proposition de reclassement par le salarié.
(Cass. Soc. 10 janvier 2024 n°21-20.229)

Il n’existe donc, à ce titre, aucune cause d’exonération de la reprise du versement du salaire à l’expiration du délai d’un mois.

Dans le même sens, la contestation de l’avis d’inaptitude ne suspend pas ce délai d’un mois imparti à l’employeur pour reprendre le versement de salaire.
(Cass. Soc. 10 janvier 2024 n°22.13.464)

De jurisprudence constante, l’employeur ne peut déduire, du montant du salaire qu’il doit verser, les revenus de remplacement éventuellement perçus par le salarié.
(Cass. Soc. 1er mars 2023 n°21-19.956)

Pendant toute cette période délicate, le salarié a donc tout intérêt à se renseigner et se faire accompagner.
 

Gérald CHALON, avocat à Reims en droit du travail et droit public
Gérald CHALON
Avocat associé

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