Les conditions de validité des clauses de rémunération variable

Publié le
Le variable dans le salaire global du salarié

La libre fixation des salaires implique la liberté de la négociation collective, et également le principe de la liberté contractuelle.

C’est la loi du 11 février 1950 qui a marqué le retour à la libre discussion des salaires, après une période de fixation autoritaire. Les clauses de rémunération variable s’inscrivent dans ce contexte de liberté contractuelle.

Deux questions se posent : quelle place peut occuper le variable dans la rémunération globale du salarié et quelles sont les règles de détermination de cette part variable ?

Un salaire uniquement variable est possible

Rien n’interdit, dans le Code du Travail, la mise en place d’une rémunération exclusivement variable. Un tel mécanisme est néanmoins encadré d’une garantie fondamentale au salarié qui est celui de la garantie minimale de rémunération au moins égale au SMIC.

Dans l’hypothèse de grille de salaire conventionnel, le principe de faveur commandera d’appliquer le minimum conventionnel. La mise en place d’une rémunération unique variable est donc possible, dès lors qu’est systématiquement vérifié, à la fin du mois, l’atteinte d’une rémunération égale au minimum légal ou conventionnel.

Les minimas légaux ou conventionnels s’évaluent, en principe, mensuellement. Un employeur ne peut se contenter de vérifier s’ils ont été en moyenne sur l’année. La garantie minimale est récupérable par l’employeur sur les gains ultérieurs. Le contrat de travail doit cependant l’avoir prévu expressément.

Le contrat de travail peut prévoir un salaire composé d’un fixe et d’un variable.

La rédaction des contrats doit alors être ici précautionneuse :

  • le fixe peut être inférieur au minima légal et/ou conventionnel ;
  • l’atteinte de ces minimas serait évaluée chaque mois, en fonction du montant du variable.

Le fixe peut être d’ores et déjà établi en fonction des rémunérations minimales légales et/ou conventionnelles. Ladite rémunération fixe doit être relevée chaque fois que le minimum conventionnel ou légal est également augmenté.

Les règles de détermination de la part variable 

La rémunération variable est également soumise à la liberté contractuelle.

Tout est négociable : le montant de la rémunération et les critères et objectifs à atteindre pour l’obtenir.

La Cour de cassation encadre le pouvoir discrétionnaire de l’employeur dans la définition du variable, par l’application du principe de l’égalité de traitement entre deux ou plusieurs salariés placés dans les mêmes situations.

En d’autres termes, la Cour de cassation a limité le pouvoir discrétionnaire de l’employeur d’une grande partie de sa substance, sans le dire expressément. Elle précise :

« Mais attendu d’abord que la Cour d’appel a retenu à bon droit que le contrat de travail pouvait prévoir, en plus de la rémunération fixe, l’attribution d’une prime laissée à la libre appréciation de l’employeur ; Et attendu qu’ayant rappelé que le caractère discrétionnaire d’une rémunération ne permettait pas à l’employeur de traiter différemment des salariés placés dans une situation comparable, au regard de l’avantage considéré, la Cour d’appel qui a constaté, par une appréciation souveraine des éléments de preuve qui lui étaient soumis, que le salarié n’occupait pas des fonctions de valeur égale à celles occupées par les salariés auxquels il se comparait, a sans encourir aucun des griefs du moyen, légalement justifié sa décision (…) »
(n°11-15.29*6)

Tous les éléments de rémunération pris les uns après les autres, doivent obéir au principe d’égalité de traitement.

Les règles de la rémunération variable doivent donc obéir aux mêmes critères pour des salariés placés dans des situations comparables.

Dans l’hypothèse d’un contentieux, le Juge ne compare pas la rémunération nette des salariés en question, mais élément de rémunération par élément de rémunération.
(Cass. Ch. Soc. 10 avril 2002, n°00-42.935)

Ainsi, s’il existe plusieurs salariés occupant le même poste, l’employeur peut, certes, fixer discrétionnairement un montant, mais celui-ci doit être le même pour tous.

Plus la clause de rémunération variable sera fixée précisément, moins les risques de contentieux existeront. Il est ainsi recommandé de prévoir :

  • les objectifs à atteindre, qui peuvent être quantitatifs, qualitatifs ou mixtes,
  • les moyens de mesure et de pondération éventuels de ces objectifs,
  • le montant de la prime allouée en fonction de l’atteinte ou du dépassement de ces objectifs.

En tout état de cause, doit être précisée l’assiette de calcul de cette prime. Le contrat peut également préciser la durée de la clause. Même dans un contrat à durée indéterminée, rien n’interdit de limiter la durée de la clause de rémunération variable et d’en prévoir la renégociation périodique. Si le contrat de travail prévoit une rémunération variable, renégociable à échéances périodiques, l’employeur ne peut pas utiliser cette clause et l’échéance pour réduire la rémunération variable du salarié à zéro.

La Cour de cassation a précisé : « Mais attendu que le paiement de la partie variable de la rémunération résultait du contrat de travail ; qu’à défaut d’un accord entre l’employeur et le salarié sur le montant de ses rémunérations, il incombait au Juge de déterminer cette rémunération en fonction des critères visés au contrat et des accords conclus les années précédentes (…) ». (Recours n°96-49.108)

Un système de reprise des commissions et de la rémunération variable peut être prévu (impayés, contentieux) ; de telles règles dites « des débits » doivent être portées à la connaissance du salarié et acceptées par ce dernier.
(Cass. Soc. 6 mars 2019, n°17-21.727)

La Cour de cassation rappelle également l’interdiction des conditions potestatives, c’est-à-dire des objectifs fixés par l’employeur et dépendant de sa seule volonté. La rémunération variable et ses critères doivent reposer sur des éléments objectifs, indépendants de la volonté de l’employeur.
(Cass. Soc. 6 février 2019, n°17-26.562)

Si l’employeur ne définit pas les objectifs à atteindre, cette pratique ne peut priver le salarié de sa rémunération variable. A défaut d’accord, c’est le Juge qui fixera alors la rémunération variable, en fonction des prévisions contractuelles et des éléments de la cause selon la formule habituelle. Dans l’hypothèse d’un contentieux, le salarié bénéficie d’un régime de preuve favorable.

En effet, il appartient à l’employeur de prouver que le salarié n’a pas atteint ses objectifs et il est tenu de produire, à cette fin, l’ensemble des éléments qu’il détient en vue d’une situation contradictoire dans le débat judiciaire.
(Cass. Soc. 13 février 2019, n°17-21.514)

Gérald CHALON, avocat à Reims en droit du travail et droit public
Gérald CHALON
Avocat associé

Dans la même thématique

Avertir par téléphone un salarié de son licenciement peut s’avérer dangereux

Il est régulièrement jugé qu’un licenciement verbal doit être considéré sans cause réelle et sérieuse, ce dernier ne répondant pas aux exigences de motivation prévues par la loi. Aux termes de l’article L.1232-6 du code du travail, il appartient à l’employeur d’adresser au salarié une lettre de licenciement, comportant l’énoncé du ou des motifs invoqués à l’appui de sa décision.

Prime et absence au travail : quelles articulations ?

Publié le - Thème(s) : Thème : Droit du salarié, Thème : Droit social des employeurs
L’entreprise connait plusieurs régimes de primes et le salarié s’interroge de l’impact de ses absences sur le montant de celles-ci.

Une rupture conventionnelle peut-elle être valablement conclue en alternative à un licenciement pour motif disciplinaire ?

Le choix laissé par l’employeur entre licenciement pour faute et rupture conventionnelle ne constitue pas en soi une pression pouvant remettre en cause la régularité de la rupture conventionnelle.

La procédure de mise en demeure mise en œuvre par l’employeur qui entend faire valoir la présomption de démission du salarié en cas d’abandon de poste volontaire.

Publié le - Thème(s) : Thème : Droit du salarié, Thème : Droit social des employeurs
Depuis le 23 décembre 2022, l’employeur ne peut désormais plus recourir au licenciement pour faute grave pour licencier un salarié ayant volontairement abandonné son poste. C’est ce qu’à nouvellement instauré le législateur dans une récente Loi du 21 décembre 2022 (Loi n°2022-1598) qui créé, à l’article L. 1237-1-1 du Code du travail, la présomption de démission du salarié en cas d’abandon de poste.

Salarié et infraction au code de la route : qui est responsable ?

Publié le - Thème(s) : Thème : Droit du salarié
Salarié et infractions au Code de la route : qui est responsable ?

Action de requalification des CDD en CDI : les précisions de la Cour de cassation en 2023

Publié le - Thème(s) : Thème : Droit du salarié, Thème : Droit social des employeurs, Thème : Rédaction des contrats de travail et avenants
En 2023, la Chambre sociale de la Cour de cassation a eu l’occasion de préciser les règles de droit applicables aux contrats à durée déterminée. A défaut, de respect de ces conditions de fond et de forme, la juridiction prud’homale sera habilitée à prononcer la requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée. 

La dispense de reclassement du salarié inapte strictement encadrée par la loi.

Dans un arrêt rendu le 13 septembre 2023, la chambre sociale de la Cour de cassation a eu à se prononcer sur la régularité d’un licenciement pour inaptitude sans recherche de reclassement et a réaffirmé avec force les conditions strictes auxquelles devait répondre cette procédure.

Preuve de la faute du salarié : le retour du "client mystère" (Cass.soc. 6 septembre 2023)

Publié le - Thème(s) : Thème : Droit du salarié, Thème : Droit social des employeurs
Dans un arrêt du 6 septembre 2023, la chambre sociale de la Cour de Cassation a jugé que la pratique du "client mystère" pour établir d'éventuelles fautes du salarié est licite mais sous certaines conditions.

Congés payés : à vos compteurs ! Le salarié malade continue d'acquérir des congés payés

Publié le - Thème(s) : Thème : Droit du salarié
Ce n’est pas un revirement, c’est une révolution ! Par une série de 7 arrêts (Cass.soc. 13 septembre 2023 22-17.340 à 22-17.342 ; 22-17.638 ; 22-10.529, 22-11.106 et n°22-10.529), la Cour de cassation vient d’apporter un changement drastique dans l’état de notre droit national en matière de congés payés du salarié.

Antidater la rupture conventionnelle, une fausse bonne idée

Pour accélérer la procédure de rupture conventionnelle du contrat de travail, l’employeur et le salarié peuvent parfois s’entendre pour antidater la signature de la convention. Cette pratique s’avère cependant risquée.