Annulation de la décision illégale d'exclure un élu de la séance du conseil municipal
Par jugement rendu public le 5 novembre 2024, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne annule la décision par laquelle le Maire de la Commune de SEZANNE avait décidé d’exclure un conseiller municipal d’opposition au motif qu’il a répondu à la menace de l’exclure « ça va ».
La décision rendue par le tribunal administratif n’est pas surprenante.
En effet, aux termes de l’article L.2121-16 du code général des collectivités territoriales (CGCT) :
« Le maire a seul la police de l'assemblée.
Il peut faire expulser de l'auditoire ou arrêter tout individu qui trouble l'ordre.
En cas de crime ou de délit, il en dresse un procès-verbal et le procureur de la République en est immédiatement saisi. »
Il ressort de la jurisprudence administrative que le maire peut faire usage du pouvoir de police qu’il tient de ces dispositions pour exclure un conseiller municipal mais uniquement dans des situations présentant un caractère d’exceptionnelle gravité :
« Si ces dispositions n’excluent pas, par principe, qu’un membre du conseil municipal puisse être expulsé, de telles mesures revêtent un caractère d’exceptionnelle gravité et ne peuvent être envisagées que dans le respect du droit d’expression des élus et après que le maire a procédé, sans effet, à des rappels à l’ordre, retiré la parole au conseiller concerné, et, le cas échéant, suspendu ou renvoyé la séance du conseil municipal. « (TA Nantes, 7 décembre 2022, n°2104504)
La Cour administrative d’appel de MARSEILLE a eu l’occasion de se prononcer dans le même sens :
« Le maire a également la possibilité d’expulser un membre du conseil municipal, une telle mesure ne pouvant toutefois être prise que dans des circonstances particulièrement graves, sous peine de méconnaître le droit d’expression des élus, et à l’exception des cas où le trouble à l’ordre public serait tel qu’il nécessiterait une expulsion immédiate de l’intéressé, uniquement après que le maire ait utilisé, sans résultat, les autres pouvoirs qu’il détenait en tant que titulaire de la police de l’assemblée, consistant soit à retirer la parole au conseiller concerné, à le rappeler à l’ordre, soit éventuellement à suspendre ou renvoyer la séance du conseil municipal. » (CAA de MARSEILLE, 12 octobre 2020, n°18MA00901)
Les hypothèses dans lesquelles un conseiller municipal peut être exclu sont tellement exceptionnelles que les annulations contentieuses des décisions d’exclusion sont très fréquentes, y compris lorsque le conseiller municipal exclu a pu se montrer virulent et particulièrement perturbateur :
« (…) qu’avant la décision du maire de procéder à l’expulsion de ces trois élus, si M. C a usé d’un ton vif et polémique, provoquant ainsi des réactions virulentes de la part du public, il n’a pas prononcé de propos injurieux ou gravement menaçants, ni commis de violences physiques ou de gestes d’agressivité ;
(…) que, la circonstance, selon la commune, que seul M. C perturbait le déroulement normal de la séance du conseil ne dispensait pas le maire de procéder à une suspension de séance, voir même à un renvoi de celle-ci, pour tenter d’apaiser les esprits ; que dans ces conditions, le trouble créé par la contestation des trois élus susmentionnés ne présentait pas le caractère d’exceptionnelle gravité, seul de nature à justifier que le maire prît au titre de son pouvoir de police de l’assemblée, la décision de les expulser par la force publique ; que dans ces conditions, c’est à bon droit que le tribunal administratif de Montpellier a considéré que les mesures d’expulsion en cause étaient, dans les circonstances de l’espèce et en dépit du comportement perturbateur de M. C, disproportionnées et avaient portéatteinte au droit d’expression des élus de l’opposition ; (…) » (CAA MARSEILLE, 6 juin 2013, n°11MA00911)
En l’espèce,l'élu a été exclu pour avoir dit « Oh ! ça va ! »
Le juge a retenu le caractère véniel (pour ne pas dire futile) du motif d’exclusion qui n’est à l’évidence pas acceptable dans une société démocratique.
L’élu d’opposition était défendu dans cette affaire par Me CALOT et Me LUTRINGER, avocats en droit administratif au sein du cabinet ACG.
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