Actualité jurisprudentielle sur les autorisations d’exercice en France des professions de médecin et de chirurgien-dentiste.

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Le tribunal administratif de Paris s’inspire, dans un jugement du 21 mars 2025, des conclusions rendues par l’avocat général dans l’affaire C-8/23 dont a été saisie la Cour de justice de l’Union européenne en 2023, pour annuler la décision de la directrice du Centre National de Gestion (CNG), laquelle refusait de délivrer une autorisation d’exercice au titulaire d’un diplôme de médecin spécialiste délivré dans l’Union européenne après la reconnaissance de son diplôme de base obtenu à l’étranger et imposait des mesures compensatoires consistant en un stage et une formation.


Ces deux affaires concernaient des médecins titulaires d’un diplôme de base délivré hors Union européenne et d’un diplôme de médecin spécialiste délivré par un Etat membre conformément à la directive 2005/36/CE relatif à la reconnaissance des qualifications professionnelles, auxquels le CNG opposait un refus d’autorisation d’exercice faisant obstacle à leur inscription à l’ordre.


Dans l’affaire soumise au tribunal administratif de Paris, le refus est fondé au visa de l’article L 4111-2 II du Code de la santé publique dite procédure Hocsman, sur les différences substantielles entre les qualifications du candidat à l’autorisation d’exercice et celles exigées en France. 


Nous soutenions qu’il ne pouvait y avoir de différences substantielles entre des formations mutuellement reconnues par les Etats membres et que par conséquent notre client devait être directement autorisé à exercer sa profession de médecin spécialiste.


Certes, il n’a validé dans l’Union européenne que le diplôme de médecin spécialiste (diplôme de 3ème cycle), son diplôme de base (diplôme de 2ème cycle) délivré à l’étranger n’ayant été que reconnu par un Etat membre pour lui permettre de poursuivre sa formation de médecin spécialiste.
 

Mais cela suffisait-il pour considérer que ce professionnel de santé ne remplissait pas les conditions d’exercice en France ?


Le tribunal répond comme nous lui proposions, par la négative. Il admet qu’il ne saurait y avoir de différence substantielle dès lors que les mesures compensatoires prescrites, censées combler les compétences manquantes, sont en lien avec la formation de médecin spécialiste qu’a déjà suivie le candidat dans un autre Etat membre et qui par conséquent relève du système de la reconnaissance automatique des diplômes délivrés dans l’Union européenne.
 

En effet, ces mesures consistaient en un stage dans un service agréé pour la formation des internes dans la même spécialité que celle validée par le candidat dans un autre Etat membre lequel devait, au surplus, valider un diplôme universitaire dans cette même spécialité.


On pense alors immédiatement aux conclusions de l’avocat général M. PRIIT PIKAMÄE dans l’affaire précitée 8/23 qui se « demande sérieusement s'il ne serait pas juste et approprié de considérer qu'il existe dans de telles circonstances une présomption d'équivalence de la formation de base dans l'État membre d'accueil ».


Il est effectivement légitime de s’interroger sur ce que pourraient être les différences substantielles justifiant une formation théorique et/ou pratique complémentaire, entre un médecin qui a suivi toute sa formation dans l’Union européenne et celui qui n’a suivi que sa spécialité après avoir démontré que sa formation de base est équivalente à celle délivrée dans l’Union européenne.


Nous estimons pour notre part que ce ne doit être qu’à titre exceptionnel que la présomption d’équivalence pourra être écartée.


C’est semble-t-il la position du tribunal administratif de Paris qui a non seulement annulé le refus d’autorisation mais a aussi, enjoint à la directrice du CNG de délivrer au nom du ministre de la Santé, l’autorisation d’exercer la profession de médecin dans la spécialité dans un délai de 2 mois à compter de la notification du jugement.
Nous allons même jusqu’à envisager que c’est une présomption irréfragable qui devrait être appliquée dans une telle situation.


C’est ce que nous avons plaidé devant la Cour de justice de l’Union européenne avant que le Conseil d’Etat retire sa question préjudicielle (CE 27 décembre 2022 n°459585) portant sur la reconnaissance automatique du diplôme de médecin spécialiste alors même que le diplôme de base a été obtenu à l’étranger.


Cependant, avant que la Cour de justice rende son arrêt, le CNG a précipitamment délivré l’autorisation sollicitée, ce qui a permis au plaidant de s’inscrire à l’ordre des médecins rendant par la même, le recours intenté contre le conseil de l’ordre, sans objet (CE 12 avril 2024 n°459585).


Il nous faudra attendre une nouvelle saisine de la Cour de justice pour que la situation des médecins ou des chirurgiens-dentistes titulaires d’une spécialité relevant du système de la reconnaissance automatique, mais dont le diplôme de base est étranger, soit clarifiée sur ce point.


En attendant, le CNG ne peut plus motiver un refus d’autorisation en se fondant sur des qualifications manquantes alors qu'elles ont été acquises dans le cadre d'une formation qui doit être reconnue par tous les Etats membres.
 

Francine Thomas, avocat associé

Francine THOMAS, avocate à Chalons en Champagne
Francine THOMAS
Avocat associé

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