La procédure de mise en demeure mise en œuvre par l’employeur qui entend faire valoir la présomption de démission du salarié en cas d’abandon de poste volontaire.
Depuis le 23 décembre 2022, l’employeur ne peut désormais plus recourir au licenciement pour faute grave pour licencier un salarié ayant volontairement abandonné son poste. C’est ce qu’à nouvellement instauré le législateur dans une récente Loi du 21 décembre 2022 (Loi n°2022-1598) qui créé, à l’article L. 1237-1-1 du Code du travail, la présomption de démission du salarié en cas d’abandon de poste.
Pour rappel, lorsqu’un salarié est licencié pour faute grave, il ne peut, ni prétendre au bénéfice des indemnités de licenciement (C. trav, art. L. 1234-1), ni aux indemnités compensatrices de préavis (C. trav, art. L. 1234-5).
Néanmoins à ce jour, l’employeur n’a, a priori, plus vocation à engager une telle procédure. Il doit désormais agir sur le fondement de la présomption de démission, laquelle emporte des conséquences, tant sur le plan contractuel que sur le plan financier.
L’article L. 1237-1-1 du Code du travail pose 2 conditions cumulatives selon lesquelles l’abandon de poste, de la part du salarié, doit être volontaire, entrainant ainsi une absence de reprise du travail dans le délai impartipar l’employeur.
Cette disposition a été complétée par son décret d’application (Décret n°2023-275 du 17 avril 2023), lequel prévoit la procédure à mettre en œuvre dans le cadre de cette nouvelle présomption de démission du salarié ayant volontairement abandonné son poste.
Pour autant, il est important de préciser que tous les salariés ne sont pas concernés par cette réforme. En effet, seuls sont concernés, les employeurs et leurs salariés de droit privés, c’est-à-dire soumis aux dispositions relatives aux relations individuelles du Code du travail.
Dès lors, l’article R. 1237-13 du Code du travail prescrit les étapes à suivre par l’employeur qui souhaite faire valoir la présomption de démission du salarié.
- La mise en demeure du salarié par l’employeur :
Tout d’abord, l’employeur doit mettre en demeure le salarié ayant abandonné son poste de manière volontaire.
Cependant, l’employeur n’est pas tenu de procéder à cette mise en demeure et peut tout à fait décider de conserver ce salarié dans ses effectifs. Dans ce cas de figure, le contrat de travail du salarié sera, non pas rompu, mais simplement suspendu et sa rémunération ne lui sera, en conséquence, pas versée.
Aussi, la mise en demeure doit contenir 2 mentions obligatoires que sont le délai imparti au salarié pour reprendre son poste (15 jours calendaires minimum) et la demande de justification de l’absence. L’employeur peut également préciser les conséquences du refus de la part du salarié de reprendre son poste dans le délai imparti (démission) et la redevabilité du salarié, qui ne reprendrait pas son poste, d’un préavis.
S’agissant des modalités administratives, la mise en demeure doit être adressée, soit par lettre recommandée avec accusé réception, soit par lettre remise en main propre contre récépissé. Ces différentes modalités permettant de dater, de manière certaine, la première présentation de la mise en demeure et ainsi faire courir le délai fixé par l’employeur.
Pour autant, dans le cas de la présomption de démission en cas d’abandon de poste volontaire du salarié, l’employeur n’est pas tenu d’imposer au salarié de produire un écrit pour formaliser sa démission, y compris lorsque la convention collective à laquelle il appartient le prévoit.
- La présomption de démission n’est pas admise :
Il existe 2 cas dans lesquels la présomption de démission du salarié ayant abandonné son poste ne peut être retenue :
- le salarié tout simplement repris son poste avant l’expiration du délai imparti par l’employeur dans sa mise en demeure ;
- le salarié a justifié son absence par un motif légitime.
Effectivement, l’alinéa 2 de l’article R. 1237-13 énonce une liste non-exhaustive de motifs légitimes de nature à faire obstacle à la présomption de démission. On trouve, à titre d’illustrations, des raisons médicales, l’exercice du droit de retrait en cas de situation de travail dangereuse, l’exercice du droit de grève, … Ainsi, un salarié ayant accueilli une mise en demeure adressée par son employeur pourrait tout à fait justifier son abandon de poste par un arrêt de travail prescrit par son médecin traitant.
- La présomption de démission est admise :
A l’inverse, lorsque le salarié s’abstient de fournir tout justificatif permettant d’expliquer son abandon de poste, ne reprend pas son poste ou répond qu’il ne reprendra pas son poste dans le délai imparti ; dans ces cas, il présumédémissionnaire.
La démission sera alors constatée à la date ultime, c’est-à-dire au jour où le délai est écoulé et que le salarié n’a pas repris son poste.
Dans ce cas, le contrat de travail du salarié démissionnaire est rompu selon les règles du droit de commun s’agissant de la démission. Toutefois, si l’employeur a pris la peine de le préciser dans sa mise en demeure et que des dispositions législatives et / ou conventionnelles le prévoient, le salarié peut être redevable d’un préavis.
Le préavis commence à courir au jour ultime fixé par l’employeur pour la reprise du travail. Néanmoins, dans le cas d’un abandon de poste volontaire, il est fort probable que le salarié refuse d’exécuter son préavis. Dans ce cas, le non-respect de la période de préavis par le salarié ouvre droit, pour l’employeur, à une indemnisation correspondant aux salaires et avantages que le salarié aurait dû percevoir s’il avait correctement effectué son préavis.
Ainsi, il conviendra pour l’employeur de solliciter cette demande d’indemnité compensatrice de préavis devant le Conseil de prud’hommes, laquelle peut être éventuellement accompagnée d’une demande de dommages-intérêts si ce dernier parvient à démontrer le préjudice qu’il a subi.
L’employeur sera également tenu de remettre au salarié l’ensemble des documents de fin de contrat ; à savoir le certificat de travail, le reçu pour solde de tout compte, et l’attestation employeur destinée à Pole emploi (attestation d’assurance chômage).
Enfin, comme pour le licenciement pour faute grave, la démission emporte également des conséquences financières, différentes mais considérables. En effet, si le salarié bénéficie d’une indemnité de congés payés, la démission n’ouvre quant à elle pas droit au versement des allocations chômage, à moins que la démission soit considérée comme légitime (par exemple dans le cadre d’une mobilité géographique maritale).
- La contestation de la rupture du contrat de travail par le salarié :
L’abandon de poste, lorsqu’il se caractérise en démission présumée, n’a qu’une présomption simple.
Ainsi, le législateur a prévu la possibilité, pour le salarié ayant été mis en demeure par son employeur, de contester la rupture de son contrat de travail (C. trav, art. L. 1237-1-1 al. 2).
Pour cela, il devra saisir le Conseil de Prud’hommes afin de contester le caractère injustifié de l’abandon de poste. L’affaire sera portée directement devant le Bureau de jugement.
L’objectif étant ici de réduire les délais de procédure contentieuse afin que le salarié ne se retrouve pas en difficultés financières dues au non-versement de sa rémunération. Par conséquent, le Bureau de jugement disposera d’un délai d’un mois à compter de sa saisine pour se prononcer.
Cette nouvelle procédure est cependant toujours en attente de plusieurs précisions.
La question est notamment celle de savoir si celle-ci est exclusive de toute procédure de licenciement pour absence injustifiée ?
Le ministère du travail n’a toujours donné aucune information en ce sens.
Le Conseil d’Etat est saisi pour avis.