Réforme de la procédure pénale : quels sont les apports de la loi du 20 novembre 2023 entrée en vigueur le 30 septembre 2024 ?
La loi d’orientation et de programmation du ministère de la Justice 2023-2027 du 20 novembre 2023 est entrée en vigueur le 30 septembre 2024.
Plusieurs articles étant consacrés à la matière pénale, retour sur les modifications apportées par cette loi et leur incidence procédurale.
Au niveau de l’enquête :
La loi consacre l’extension des perquisitions de nuit (modification des articles 59-1 et 97-2 du Code de procédure pénale (CPP).
Les perquisitions de nuit étaient autrefois réservées à la criminalité en bande organisée (article 706-89 du CPP) et sont désormais applicables à l’ensemble des crimes contre les personnes prévus au livre II du Code pénal, sur autorisation du JLD 59-1 et 97-2 du CPP).
La nouvelle rédaction de l’article 63-3 du CPP prévoit la possibilité de réaliser l’examen médical de compatibilité de la personne gardée à vue, en cas de prolongation de la mesure, par vidéotransmission ou tout autre moyen de télécommunication audiovisuelle, sauf dans les cas prévus par la loi (majeur protégé, mineur, personne d’une particulière vulnérabilité).
La loi modifie également l’article 803-5 du CPP, qui prévoit la possibilité de recourir à un interprète par un moyen de télécommunication sonore ou audiovisuelle tout au long de la mesure de garde à vue / audition libre. Cette possibilité est limitée aux 48ères heures de la garde à vue et ne peut aller au-delà. La mesure est exclue pour les mineurs ou majeur protégé.
- Au niveau de l’instruction :
- Nouvelles dispositions relatives au statut du témoin assisté :
Dès la notification de ce statut puis dans un délai de 10 jours à compter de celle-ci.
Les articles 156, 161-1, 161-2, 165, 167 et 167-2 du CPP sont modifiés afin d’étendre le principe du contradictoire de l’expertise au témoin assisté, qui a désormais, à l’instar des parties, la possibilité de :
Demander la réalisation d’une expertise (article 81 du CPP) ;
Modifier ou compléter les questions posées à l’expert ou d’adjoindre un autre expert de son choix à l’expert désigné ;
D’adresser des observations à l’expert sur le rapport d’étape ;
Demander qu’il soit prescrit aux experts d’effectuer certaines recherches ou d’entendre toute personne nommément désignée ;
Demander la remise d’un rapport provisoire.
L’article 80-1-1 modifié permet à la personne mise en examen de demander au juge d’instruction de lui octroyer le statut de témoin assisté à plusieurs stades de la procédure :
A l'expiration d'un délai de six mois à compter de la mise en examen, puis tous les six mois ;
Dans les dix jours qui suivent la notification d'une expertise ou un interrogatoire au cours duquel la personne est entendue
Ces dispositions ne suppriment pas la faculté offerte à la personne mise en examen de demander l’annulation de la mise en examen conformément aux articles 173, 173-1 et 174-1.
- Modification de l’article 114 du CPP – Accès au dossier par les parties
Les parties peuvent désormais se faire délivrer copie de tout ou partie des pièces et actes du dossier dès réception de la convocation en vue de leur première comparution ou audition.
Cette nouvelle disposition est le fruit du travail de Me Pauline MANESSE-CHEMLA, avocat associé au sein du cabinet ACG, connue pour son engagement en faveur des droits des victimes, qui a mené un combat acharné pour faciliter l'accès de celles-ci au dossier d'instruction.
Le 24 mai 2023, elle a été reçue au ministère de la Justice afin de défendre cette cause. À cette occasion, elle a demandé une modification législative permettant la communication de la copie du dossier dès la constitution de partie civile.
Cet engagement a abouti avec la nouvelle rédaction de l'article 114 du code de procédure pénale, permettant ainsi la communication du dossier dès la constitution de partie civile, avant même la première audition.
Enfin, après chaque interrogatoire, reconstitution ou confrontation, l’avocat de la personne mise en examen peut se faire délivrer, immédiatement et par tout moyen, copie du procès-verbal de l’acte réalisé.
Suppression de la déclaration d’intention (article 175 du CPP) :
La loi modifie l’article 175 et, par coordination, les articles 89-1, 116, 173, 175-1, 186-3, 327, 696-132 et 706-119 du code de procédure pénale, afin de supprimer le mécanisme de la déclaration d’intention imposé aux avocats dans le cadre de la clôture de l’information.
Ces dispositions s'appliquent aux avis de fin d'information intervenus à compter du 30 septembre 2024.
- Nouvelles dispositions relatives aux mesures de sûreté :
En cas de violation par l’intéressé de ses obligations du contrôle judiciaire ou de l’assignation à résidence sous surveillance électronique, le juge de la liberté et de la détention ne pouvait que prononcer la révocation ou non de la mesure de sureté.
La loi est venue modifier les articles 141-2 & 142-8 du CPP et prévoit désormais la possibilité pour le JLD de modifier les obligations du contrôle judiciaire ou bien de placer l’intéressé sous ARSE.
Lorsqu’il est saisi par le juge d’instruction ou le procureur à la suite d’une violation des obligations du contrôle judiciaire ou de l’ARSE, le JLD peut, s’il estime que la détention provisoire n’est pas justifiée, décider de la modification des obligations du contrôle judiciaire ou de l’ARSE, ou encore de placer l’intéressé, initialement sous contrôle judiciaire, sous assignation à résidence avec surveillance électronique.
La nouvelle rédaction de l’article 141-1 du CPP prévoit que lorsque, à l’issue d’une information judiciaire, la personne renvoyée devant la juridiction correctionnelle est placée ou maintenue sous contrôle judiciaire ou sous ARSE, la compétence est dévolue au juge des libertés et de la détention en matière de mainlevée et de modification du contrôle judiciaire ou de l'assignation à résidence avec surveillance électronique.
Lorsque la personne maintenue sous contrôle judiciaire ou sous ARSE est mise en accusation devant la cour d’assises ou la cour criminelle départementale, le troisième alinéa de l’article 141-1 confère les compétences susmentionnées au président de la chambre de l’instruction ou au conseiller désigné par lui.
Dans le cadre d’une procédure de comparution sur procès-verbal, de comparution immédiate ou de comparution différée, le nouvel article 397-3 du CPP permet expressément au tribunal, en cas de renvoi, en plus de la possibilité de placer ou de maintenir le prévenu sous contrôle judiciaire, de placer l’intéressé sous assignation à résidence avec surveillance électronique.
Le JLD est compétent pour modifier le contrôle judiciaire ou l’ARSE prononcé en application de l’article 397-3 (nouvel alinéa 2 du même article).
- Nouvelles dispositions relatives à la détention provisoire :
Les articles 145-1 et 145-2, dans leur nouvelle rédaction, prévoient que la personne détenue doit être avisée au plus tard cinq jours ouvrables avant, de la date du débat contradictoire relatif à la prolongation de sa détention provisoire.
Le juge d’instruction, lorsqu'il envisage de saisir le JLD aux fins de prolongation de la détention du mis en examen, peut solliciter du SPIP un rapport sur la situation familiale, matérielle ou sociale de la personne détenue (nouvelle rédaction de l’article 145-1 du CPP).
La juridiction qui ordonne la mise en liberté immédiate d'une personne dont la détention provisoire est irrégulière en raison du non-respect des délais ou formalités prévus par le CPP, a la possibilité de placer la personne sous contrôle judiciaire si cette mesure est indispensable pour assurer l’un des objectifs énumérés à l'article 144 : la loi ajoute la possibilité de placer sous assignation à résidence avec surveillance électronique (article 803-7 modifié).
- Nouvelles dispositions relatives au jugement :
En matière de comparution immédiate et avant la loi du 20 novembre 2023, le code prévoyait que le prévenu placé sous contrôle judiciaire ou ARSE devait comparaître dans un délai qui ne pouvait être inférieur à dix jours ni supérieur à six mois.
Désormais, l’article 396 du CPP prévoit que quelle que soit la mesure de sûreté décidée par le juge des libertés et de la détention, le prévenu doit désormais comparaître devant le tribunal correctionnel au plus tard le troisième jour ouvrable suivant.
Les nouvelles dispositions de l’articles 396 du CPP s'appliqueront aux procédures audiencées devant le tribunal correctionnel à compter du 30 septembre 2024.
Lorsque le prévenu est en détention provisoire, le jugement au fond doit être rendu dans les trois mois qui suivent le jour de sa première comparution devant le tribunal, quelle que soit l’infraction qui lui est reprochée (nouvel dernier alinéa de l’article 397-3 du CPP).
L’article 397-1 prévoyait que lorsque le prévenu ne consent pas à être jugé immédiatement ou lorsque l’affaire ne paraît pas en état d’être jugée, le tribunal doit renvoyer à une prochaine audience dans un délai compris entre deux à six semaines, sauf renonciation expresse du prévenu.
Ce délai est désormais un délai unique de quatre à dix semaines, quelle que soit la procédure encourue.
En matière de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC) et lorsque la personne déclare ne pas accepter la ou les peines proposées ou que le président du tribunal judiciaire ou son délégué rend une ordonnance de refus d'homologation, la nouvelle rédaction de l’article 495-12 permet au Procureur de la République, de reformuler, à une seule reprise, une nouvelle proposition de peine au juge homologateur, sous réserve de l’acceptation préalable par la personne qui reconnaît les faits.
Jusqu’à présent, l’article 397-2 prévoyait que si le tribunal estime que la complexité de l'affaire est telle qu'il convient de mener des investigations approfondies supplémentaires, il peut renvoyer le dossier au procureur de la République.
Ce dernier doit alors requérir l’ouverture d’une information judiciaire.
La loi du 20 novembre 2023 vient compléter cet article en octroyant au Procureur de la République la possibilité de donner à l’affaire les suites qu’il estime adaptées, et non plus seulement de requérir l’ouverture d’une information judiciaire et notamment la possibilité de poursuivre les actes d’investigation sous la forme d’une enquête préliminaire, de recourir à la CRPC.
Cette modification vient renforcer les pouvoirs du Parquet.
Dispositions relatives au pourvoi en cassation :
L’article 568, dans sa nouvelle rédaction, dispose que le ministère public et toutes les parties ont dix jours francs après celui où la décision attaquée a été prononcée pour se pourvoir en cassation, et non plus cinq jours.
Pour les décisions rendues à partir du 30 septembre 2024, le délai de pourvoi est de 10 jours.
Pour les décisions rendues avant le 30 septembre 2024, le délai de pourvoi est de 5 jours même si ce délai n’a pas expiré au 30 septembre 2024.
Attention : Ce nouveau délai ne s’applique pas en matière d’application des peines - le délai de cinq jours demeure applicable pour se pourvoir en cassation à l’encontre des ordonnances et arrêts mentionnés aux articles 712-12 et 712-13 - ni en matière de délits de presse, où le délai demeure de trois jours (article 59 de la loi du 29 juillet 1881).
Dispositions relatives aux crimes sériels ou non élucidés :
Le nouvel deuxième alinéa de l’article 41-4 interdit la destruction des scellés dans le cadre des enquêtes portant sur les crimes non élucidés relevant de la compétence du pôle des crimes sériels ou non élucidés (PCSNE)
L’article 706-106-1 du CPP étend désormais le champ de compétence matérielle du PCSNE à tous les crimes et délits connexes aux crimes qui relèvent de sa compétence - autrefois limité aux seuls délits connexes.
Les articles 706-106-1 et 693 du CPP attribuent au PCSNE une compétence concurrente en matière d’atteintes aux personnes graves non résolues commises sur des ressortissants français à l’étranger.
L’article 706-106-3 du CPP donnent aux parties la possibilité de saisir le procureur de la République afin qu’il requière du juge d’instruction initialement saisi son dessaisissement au profit du PCSNE.
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