Une évolution malencontreuse s’agissant du préjudice d’angoisse de mort imminente
Le préjudice d’angoisse de mort imminente est un préjudice qui a vocation a indemniser la crainte pour une victime de mourir dans les suites d’un accident, ou d’une agression. De telles situations se retrouvent bien évidemment dans les affaires d’attentats, de séquestration, mais aussi souvent d’accidents de la circulation.
Dans un précédent article, nous nous étions réjouis d’un arrêt rendu par la chambre mixte de la Cour de cassation le 25 mars 2022 (Ch. mixte 25 mars 2022, n° 20-15.624) dans lequel elle affirmait que le préjudice d’angoisse de mort imminente devait être indemnisé de manière autonome.
En effet, jusqu’à présent, les différentes chambres de la Cour de cassation, même si elles reconnaissaient l’existence d’un préjudice d’angoisse de mort imminente, restaient divisées sur sa qualification de préjudice autonome ou intégrant le poste des souffrances endurées. La chambre criminelle admettait la possibilité d’évaluer ce préjudice séparément du poste des souffrances endurées mais la deuxième chambre civile le refusait.
Dans un arrêt très récent, la deuxième chambre civile revient sur cette position et réinstaure le débat. Dans une décision du 11 juillet 2024 (Cass. 2ème civ. 11 juillet 2024 n°23-10.068), elle a indiqué que « Si ce préjudice d’angoisse de mort imminente en cas de survie se rattache au poste des souffrances endurées, lequel indemnise toutes les souffrances physiques et psychiques, quelles que soient leur nature et leur intensité, ainsi que les troubles associés qu’endure la victime à compter du fait dommageable et jusqu’à la consolidation de son état de santé, son indemnisation par un poste de préjudice autonome ne peut donner lieu à cassation que si ce préjudice a été indemnisé deux fois, en violation du principe de réparation intégrale, sans perte ni profit pour la victime ».
Elle semble donc considérer qu’en première intention, ce préjudice doit être indemnisé dans le poste des souffrances endurées, mais que si les juridictions l’indemnisent à titre autonome, ce n’était pas un motif de cassation, elle l’acceptera. Mais on sent que cela doit être une exception.
Nous devons donc attendre les prochaines décisions des autres chambres pour savoir si c’est désormais une position de principe ou un arrêt de résistance.
Pour finir sur une note positive cet arrêt a pour autant le grand intérêt de se prononcer sur un point de divergence avec les compagnies d’assurance et fonds de garantie dans la définition du préjudice d’angoisse de mort imminente. Bien évidemment, ces derniers restreignaient le champ de ce préjudice en excluant les victimes survivantes. Les juridictions du fond ne les suivaient pas dans ce raisonnement. Désormais la discussion est close puisque la Cour de cassation a clairement indiqué que les victimes survivantes devaient être indemnisées.
Audrey BERNARD, avocate spécialiste en droit du dommage corporel
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