Article paru dans l’Union, le 16 septembre 2009
Ali Aissaoui a, hier, cité notre journal en justice pour « diffamation »
CE n'est pas sur la dénonciation par l'union de l'usurpation de sa qualité de médecin que l'adjoint au maire d'Adeline Hazan a intenté son procès, mais à la suite de la publication d'un article, le 26 avril 2009, sous le titre « Comme un remugle de bête immonde ». Outre une critique en règle des positions d'Ahmadinedjad, président de la République islamique d'Iran « qui prône l'extermination d'Israël », l'éditorialiste se félicitait dans cet article de la décision d'Adeline Hazan d'avoir interdit la venue de « l'humoriste » Dieudonné peu auparavant, mais s'étonnait que la maire n'ait pas interdit - le samedi 10 janvier - une manifestation organisée à Reims par plusieurs associations et parmi elles la Ligue des droits de l'Homme, pour protester contre des bombardements à Gaza.
L'auteur de l'article expliquait qu'« en fait de soutien aux victimes palestiniennes, il s'agissait surtout de procéder au lynchage d'un pays. On a pendu une effigie en chiffon, des enfants - que faisaient-ils donc là ? - ont distribué des tracts appelant au boycott des entreprises juives. Tout ça, » dénonçait-il, « avec la complicité du très engagé Ali Aissaoui, adjoint au maire de Reims, chargé de la démocratie locale... ». Ce sont ces phrases qui ont, selon l'avocat d'Ali Aissaoui, ont « porté atteinte à l'honneur et à la considération » de son client, « un militant des droits de l'Homme ».
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Des slogans contre les juifs
Plusieurs témoins ont été appelés à la barre pour raconter comment ils avaient perçu la manifestation. À l'origine, il avait été question d'une « manifestation silencieuse » ont-ils raconté. Un septuagénaire s'est dit « très ému » face à « la remise en cause de la politique israélienne ». Pour ce qui est du tract et des banderoles violentes, il a indiqué n'avoir « pas eu une attention soutenue. Des réflexions m'ont interpellé, mais pas choqué ». D'autres témoins ont été plus précis.
« Très vite, des slogans ont fusé, » se souvient Mario Rossi, ancien adjoint au maire et dirigeant d'une association caritative. « J'ai entendu des termes violents contre les juifs. Il y avait des banderoles, et une poupée ensanglantée plantée sur un pic ». Choqué, Mario Rossi « préfère quitter la manifestation » après avoir « vu le président de la Ligue des droits de l'Homme, Nicolas Marandon, avoir une prise de bec avec Ali Aissaoui » et « quitter lui aussi le cortège ». Une version confirmée par un journaliste de l'union présent lors de la manifestation. « J'ai entendu le président de la LDH dire à Ali Aissaoui « Arrête tes conneries ! » avant de partir ». Interrogé sur ce point par la présidente du tribunal, Ali Aissaoui assure que « c'était une différence de point de vue concernant les photos d'enfants morts - sous les bombes - que nous avions mises en début de cortège. Je lui ai dit qu'elles ne me dérangeaient pas. » Le président de la Ligue, pourtant averti de l'audience, n'est pas venu s'expliquer sur ce fait devant le tribunal correctionnel.
Me Benkoussa a reconnu que certains slogans antisémites, violents ou religieux avaient pu fuser dans la manifestation. De même que des tracts ont pu être distribués « appelant au boycott dans les entreprises israéliennes et américaines, et pas juives comme écrit dans l'article incriminé et dans le blog de Mario Rossi. Mais Ali Aissaoui n'a pas eu connaissance de ces tracts et si certains manifestants se sont sentis autorisés à des comportements douteux, où est l'accord de mon client ? l'union n'en rapporte aucunement la preuve. »
L'avocat a réclamé un euro symbolique de dommages et intérêts « car Ali Aissaoui ne peut être comptable de l'attitude de 1 000 manifestants sur un sujet aussi polémique qu'Israël et la Palestine. » Il a également demandé la publication du jugement dans nos colonnes « pour obtenir une réparation publique ».
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« Procès de Tartuffe ! »
« Procès de Tartuffe ! » lançait Me Gérard Chemla pour entamer la défense de l'union. « Mis en cause sur son titre usurpé de médecin, il n'a pas pu poursuivre sur ce terrain-là car il ne dispose effectivement pas du diplôme. Il a donc attaqué sur la manifestation. » L'avocat a repris un à un les « comportements douteux » décrits pendant la manifestation du 10 janvier : « Après le départ du cortège, des gens ont sorti banderoles et pancartes avec des slogans évoquant des pratiques nazies. » On a aussi entendu « des Allah Akbar ! » et vu « des effigies ensanglantées ». Reconnaissant que « les tracts n'appelaient pas au boycott des commerces juifs mais c'est parce qu'aujourd'hui, on dit des commerces « sionistes » ». Et de citer les marques et produits listés dans le tract : » « Levi-Strauss, Timberland « parce que son PDG s'appelle Schwarz »...
Me Chemla précise que « l'auteur de l'article n'a jamais dit qu'Ali Aissaoui avait participé à tout cela, mais qu'il s'en était rendu complice. Celui qui organisait la manifestation à l'occasion de laquelle de tels propos ou attitudes - qui peuvent ressembler à de l'antisémitisme et, à tout le moins sont douteux - est nécessairement complice de ce qui s'y passe. Or à aucun moment, il ne s'est désolidarisé de ces comportements ».
Plaidant la relaxe tant de l'union que de son directeur de publication, Jacques Tillier, Me Gérard Chemla a conclu : « On a perdu l'habitude des journaux qui disent vraiment des choses. De temps en temps, cela fait du bien de réveiller les consciences. Dans un sens ou dans un autre. »
Délibéré le 19 octobre.
P.B
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