« J'en ai marre d'être pris pour un assassin et privé de ceux qui me manquent » : jusqu'au dernier souffle, Jean-Pierre Treiber se sera drapé dans l'innocence en griffonnant ce message posthume, ultime pied de nez à la manifestation de la vérité. Depuis 48 heures, experts et juristes s'interrogent sur le suicide, samedi matin à la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis, de l'unique accusé du double assassinat de Géraldine Giraud et Katia Lherbier en 2004. Certains psychiatres y décèlent, dans leur jargon, un «suicide de style gitan» : le forestier, autoproclamé «homme des bois» et claquemuré dans la plus grande prison d'Europe, n'aurait guère supporté de passer des années derrière les barreaux. D'autres évoquent l'hypothèse d'un «suicide triomphant», voire d'un «suicide d'orgueil» .
Sans présumer du verdict auquel aurait abouti la cour d'assises à propos de Jean-Pierre Treiber, Me Gérard Chemla évoque d'autres grands dossiers criminels comme l'affaire des disparus de Mourmelon - l'accusé, l'ex-adjudant Chanal, se suicida lors de son procès - ou les meurtres en série de Michel Fourniret. «Ce type de geste, commis avant le procès, est une signature criminelle haut de gamme, décrypte l'avocat qui défendait les victimes. En se supprimant, les tueurs en série ou de masse conservent jusqu'au bout une totale maîtrise sur les événements et leurs victimes, privées de tout libre arbitre et n'ayant jamais prise sur leur destin.»
Cette soif de toute-puissance se manifeste aussi tout au long du processus pénal, quand le tueur, incontournable «vedette» du dossier, parvient à dicter ses conditions lors des interrogatoires ou des expertises. Se soustraire à l'action de la justice devient l'aboutissement de la logique, une singulière manière de «mourir innocent» avant le verdict. Ainsi, le 14 mars 2003, Pierre Chanal, assassin présumé de six appelés du contingent et de deux civils, met fin à ses jours dès la première journée de son procès à Reims : il s'est tranché l'artère fémorale avec une lame de rasoir dissimulée dans la bouche. Quelques mois auparavant, l'ex-adjudant avait tenté un premier suicide. Atteint d'un cancer incurable, sa volonté d'en finir était patente. Dans un courrier adressé dès mai 2003 au procureur général de Reims, Me Chemla prévenait d'ailleurs que «les familles ne sauraient supporter que la justice et l'administration pénitentiaire laissent à Pierre Chanal le loisir d'organiser un nouveau report de l'audience ou d'en interdire la tenue définitive pour cause d'extinction de l'action publique !». La mise en garde n'a pas suffi et les familles ont clamé leur dépit de se voir privées de procès, tout comme le comédien Roland Giraud ce week-end.
«Le suicide avant l'audience est aussi un moyen d'éviter que soient dévoilées en pleine lumière les facettes obscures, l'enfance trouble ou les psychoses de l'accusé, estime Stéphane Bourgoin, spécialiste de la psychologie criminelle. Le plus souvent, les tueurs sont de pauvres types qui se prennent pour Dieu. Ils redoutent donc que le procès brise leur armure narcissique…» Le 28 mars 2002, Richard Durn, porteur d'un «message de haine» et auteur d'un carnage à la mairie de Nanterre (8 morts et 19 blessés), s'était défenestré des locaux de la brigade criminelle lors de sa garde à vue. L'homme n'avait montré aucun signe avant-coureur avant de sauter du 4e étage.
Dans le même esprit, Sid Ahmed Rezala, alias «le tueurs des trains» après le meurtre de trois femmes, n'a pas voulu d'un procès où les juges auraient évoqué le viol collectif qu'il avait subi à l'âge de 9 ans, en Algérie. Sous le coup d'une extradition, il a été retrouvé le 29 juin 2000 asphyxié dans sa cellule du Portugal par les fumées de son matelas auquel il avait mis le feu. Plus récemment, Yvan Keller, 46 ans, s'est pendu le 22 septembre 2006 avec ses lacets de chaussures dans les geôles du tribunal de Mulhouse, deux jours après avoir confessé les meurtres de plusieurs dizaines de personnes âgées dans l'est de la France. Ce paysagiste a priori sans histoire a joué avec la police avant de se tuer. Manipulateur, il était dépeint sous des traits bucoliques, aimant la nature et les animaux. Un peu à la manière frustre de Jean-Pierre Treiber.
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